Vertumna an 567 AUC (convertir une date)

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Version (ID) : 5050
Date : Nevea an 185 AUC
Titre : Le nouveau monde

Contenu :

Pluvea 157 (récit aventureux)


LE NOUVEAU MONDE




Chapitre 1
Le départ


Charles, jeune paysan, avait femme et enfants. La vie dans son pays était très rude. Cela n'avait pas toujours été comme ça. Il avait connu sa région clémente et agréable à vivre, mais la situation se dégradait de jour en jour. Pour des raisons qu'il ne s'expliquait pas les saisons avaient changées. Les hivers étaient de plus en plus froids et plus courts. La période chaude était de plus en plus longue et les températures de plus en plus élevées. Le soleil brûlait sur la peau et les récoltes souffraient du manque d'eau. Combien de fois avait-il prié pour que le soleil ne brûle pas la moitié de ses récoltes? Il ne pouvait le dire.

Grâce à sa vigilance il était parvenu à avoir une récolte suffisante pour l'hiver mais pas de surplus à vendre sur le marché. Les temps étaient vraiment de plus en plus durs. Il avait peur qu'un jour ses enfants ne puissent plus manger à leur faim.

Depuis quelques jours l'épouse de Charles et ses enfants étaient malades. Il avait entendu dire au village qu'une épidémie décimait la population. Les remèdes n'avaient pas d'effet sur cette maladie. Loin derrière le village un grand trou avait été creusé pour y déposer les dépouilles noircies par le mal inconnu.

Il ne savait que faire pour soulager sa chère aimée et ses enfants. En les regardant, souvent il hochait la tête, frappé par la fatalité.

Son fils ainé mourut le premier. Il était pourtant robuste et l'aidait souvent aux champs. Il le pleura, mais déjà en lui il savait que ce n'était pas le dernier. Puis le jour suivant sa femme et sa fille cadette fermèrent les yeux à tout jamais. Charles curieusement n'avait aucun symptôme et il s'interrogeait souvent à ce propos.

Le bébé ne présentait encore aucun symptôme lui non plus. Pourtant, il le pressentait, son sort aussi en était jeté.

Trop de larmes versées, trop de souffrances. Il décida de réunir quelques affaires et d'aller au port où peut-être il y trouverait du travail à bord d'un trois mâts. Il confia le bébé à sa sœur dont le village n'était pas encore touché par l'épidémie et lui promit de revenir au plus vite.

Charles fit le tour de chaque bateau, mais les marins lui riaient au nez car il n'avait aucune expérience. Il fallait pourtant qu'il tente sa chance dans le « nouveau monde » dont on lui avait tant parlé à la taverne.

Un soir n'y tenant plus, il grimpa la passerelle d'un voilier avant qu'elle ne fut relevée. Il se hissa dans un canot de sauvetage et se cacha sous la bâche. Il ne connaissait pas la durée du voyage et se rendit vite compte qu'il n'aurait pas assez de provisions et d'eau pour tenir plus de trois jours, mais rien ne le ferait descendre, non rien.

Il s'installa dans la barque, son sac sous la tête et s'endormit. Quand il se réveilla, il n'avait aucune notion de l'heure. En soulevant la bâche il s'aperçut que l'aube se levait. Un frisson lui traversa tout le corps, le bateau prenait la mer et Charles était à son bord.





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Prairial an 157 :







Chapitre 2
La rencontre


Les deux premiers jours furent très pénibles pour Charles, il devait lutter contre des nausées incontrôlables à tel point qu'il se crut atteint de la maladie qui avait emporté sa famille. N'osant sortir pour s'aérer, il attendait la nuit pour lever la bâche et respirer l'air chargé d'embruns.

La faim commença à le tenailler. Il avait encore un peu d'eau mais quelques gouttes seulement. Il fallait qu'il agisse.

Il avait remarqué que chaque matin une équipe d'une dizaine de matelots passait le torse nu, les pieds nus, un pantalon arrivant jusqu'aux genoux et un bandeau dans les cheveux, pour prendre leur quart comme ils disaient. Ne comprenant absolument rien au langage de marin, il avait peine à savoir ce qu'il devrait faire s' il parvenait à se mêler à eux.

Il prépara sa tenue pour le lendemain. Attendit que le petit groupe passe, sauta de sa cachette et suivit le groupe. Soudain les uns partirent à droite, les autres à gauche. Ne sachant quelle direction prendre il s'arrêta un instant.

« Qu'est-ce que tu fait planté là ? Dit un homme fonçant vers lui
Charles essaya de réfléchir le plus vite possible et décida de ne rien dire. Il serait muet.
- tu vas me répondre triple buse ? L'homme vociféra de plus belle. Qui m'a fichu un benêt pareil ? Comment t'appelles-tu ? Tu vas répondre non d'un chien !

Charles resta pétrifié. Un jeune homme descendit d'un cordage et se mit entre l'homme et lui.
« Il est muet, sir !
- muet ? Mais qui a osé mettre un muet dans mon équipe ?
- Il était aux cuisines, reprit le jeune homme, mais il était si maladroit que le cuistot n'en veut plus.
- Quoi ? Je n'en crois pas mes oreilles. Bon qu'il prenne le seau et le balai et qu'il astique le pont au moins il ne restera pas planté là ! Quel est ton nom et quel est le sien ?
- Je me nomme John, John Dogan Sir et lui c'est, il parut réfléchir, c'est …
- C'est qui ? Tu vas me le dire son nom ?
- Il s'appelle Philibert Renard, dit John avec empressement. Le gros homme se mit à rire :
- c'est pas un nom ça Philibert Renard, elle est bien bonne. Bon tu répondras au nom de Phil, tu me comprends au moins ? Dit-il en regardant Charles.

Charles faillit répondre « oui », mais se retint et fit signe de la tête.

John se retourna vivement vers Charles.
- Phil, m'en veux pas si c'est pas ton nom, chuchota-t-il, prends vite le seau et frotte. On se revoit à la relève. Allez bouge-toi ! »

En fin de matinée, alors qu'il avait frotté, briqué de toutes ses forces, la faim le tenaillait et il avait des vertiges.

"Phil amène- toi! cria John. Puis en baissant la voix, c'est l'heure de la soupe, on ira chercher tes affaires tout à l'heure. Je vais te montrer ta couchette.
Charles chuchota, mais tu..
-Tais-toi malheureux le coupa John, on parlera plus tard. Fais attention, les autres ne disent rien mais ils se demandent tous d'où tu sors.
Charles comprit l'avertissement. Il suivit. Ils descendirent vers le réfectoire. Il se plaça aux côtés de John et sauta presque sur le pain et la soupe. Il mangeait goulûment avec des gestes si vifs que John lui mit la main sur le bras « tu attires l'attention, mange doucement ». Charles leva la tête et remarqua que tout le monde l'observait.

Repu et installé par John dans la couche au dessous de la sienne, ils partirent tous deux récupérer son sac dans la canot.

John l'attira dans un coin du bateau où personne ne pourrait les entendre. « Alors raconte moi comment tu es arrivé ici. Je t'ai repéré l'autre matin lorsque tu nous regardais passer quand tu étais caché dans le canot »

Charles se présenta et raconta les derniers jours qu'il venait de vivre.
« Et bien, désolé pour ta femme et tes enfants. Ne m'en veux pas pour le nom mais tu me fais penser à mon oncle Philibert et tes cheveux roux m'ont fait penser à un ...renard et il éclata de rire. J'avoue que je me demande comment le « major » comme il se fait appeler a pu croire que tu t'appelais vraiment Philibert Renard ah! Ah! Ah! .
Charles lui sourit: pourquoi m'aides-tu?
- rien de mal à aider son prochain il me semble.
- Vers quel pays va le bateau, vers le « nouveau monde »? demanda Charles anxieux
- « le nouveau monde »? j'aimerais bien mais notre commandant est obsédé par un « Territoire » cela fait la troisième expédition du genre, il veut absolument le trouver!
Viens on retourne avec les autres! Et n'oublies pas tu es muet »

Les deux nouveaux amis se mêlèrent aux autres, les parties de cartes avaient débuté.

Charles se mit dans un coin à l'écart et se demanda , ce que pouvait être ce « Territoire ».




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Vertumna an 157





Chapitre 3
la licorne


Les jours passèrent, puis les mois. Une fois, ils allaient vers l'Est, puis plus au Nord, au Sud, à l'Ouest... Une vraie girouette ce bateau ! A bord de « l'Aigrette » tout le monde en riait. Les commentaires fusaient « Il a dormi la tête à l'envers le capitaine, on fait demi tour ! » C'était à celui qui riait le plus fort.

La suspicion à l'encontre de Charles avait très vite fait place à une indifférence totale pour l'ensemble de l'équipage, sauf pour le « major ». Il avait sans doute demandé au cuistot pourquoi il avait expulsé son commis et avait dû découvrir de « commis » il n'en avait jamais eu. C'est pourquoi John avait très vite compris qu'il fallait qu'il apprenne à Charles tout ce qu'il connaissait, les termes spécifiques, les techniques des nœuds, car il se doutait qu'un jour le « major » le mettrait à l'épreuve.

Charles apprenait vite. Il aimait les soirées au clair de lune passées sur le pont à discuter avec John. John avait cet enthousiasme qu'il avait connu chez son fils, d'ailleurs il était à peine plus vieux. Ils furent très vite liés par une grande amitié solidaire. Un soir que Charles était assis sur le pont près de la proue, il vit arriver John, deux pipes à la main.

« Tu fumes mon ami ? , dit-il en souriant,
- non pas vraiment, le tabac est beaucoup trop cher pour moi.
- cadeau du Capi mon ami ! Allez, tiens, bourrons nos pipes et fumons sous les étoiles !
Ils fumèrent un moment dans un silence ponctué par quelques toux de Charles qui n'avait pas vraiment l'habitude du tabac. Il pensait toujours à ce fameux « Territoire ». Il n'osait pas trop interroger son ami jusqu'au jour où celui-ci lui raconta sa venue à bord.

« Comment es-tu arrivé ici John ? Tu as toujours été marin ?
- ah ! Ça non ! éclata-t-il de rire. Je suis fils de charretier. Mais le père avait tendance à chauffer dès qu'il buvait un peu trop et à me donner de la ceinture, alors je me suis sauvé et j'ai traîné sur les quais. Je mendiais mon pain et ne mangeais pas toujours à ma faim. Un jour le Capi est passé, il recrutait pour son premier voyage et n'était pas trop regardant sur les compétences. J'ai dit oui, les voiliers m'ont toujours fait rêver ! Le Capitaine m'a formé. Il est gentil ; plus sympa que son père. Son père a l'air d'un vieux fou et c'est pour lui qu'il fait tout cela. On raconte que le vieux a déjà vécu sur le « Territoire » et qu'il veut y retourner.
- Mais tu en sais plus sur le « Territoire » ?
- En fait le Capi a voulu m'apprendre à lire et donc je suis monté à la dunette chaque jour de mon premier voyage. Sur son bureau, il y avait le journal du père. Sur la couverture, il avait dessiné un cheval avec une corne sur le front. Il paraît qu'il y en a sur le Territoire et bien d'autres choses étranges. Mais lorsque j'ai posé des questions au Capi, il m'a juste dit que son père avait été retrouvé avec ce journal errant sur les quais il y a maintenant plus de vingt ans et que depuis il ne rêvait que d'y retourner. Mais rien de plus.
- Tu crois que le livre y est encore ?
- Sans aucun doute il ne quitte jamais le vieux fou !»

Charles était très intrigué, comment un cheval pouvait avoir une corne sur le front. Mais pour l'heure, il avait d'autres soucis. Par deux fois le major lui avait demandé de refaire des nœuds juste pour voir s'il savait les faire et il se demandait la prochaine fois ce qu'il allait inventer pour le mettre en défauts. Cette nuit-là, il dormit d'un sommeil agité. Au petit matin la cloche sonna, ils allaient encore changer de cap et ces manœuvres-là Charles les craignait.

Il arriva sur le pont et le major se planta devant lui et dit d'un air narquois :
« mon cher Phil, dit-il en ricanant et continua en levant la voix pour que tous l'entende. Grimpe à la barre de perroquet du grand mât »

John essaya de s'interposer et dit : « j'y monte major ! »
Le major se retourna plus vif qu'un cobra en train d'attaquer : « Toi mon gars tu restes ici ! On va voir si en chutant il reste muet ! »

Charles s'arrêta net et obtempéra, posa la main sur l'épaule de John pour le rassurer et se dirigea vers le filet. Il avait tant de fois regardé John monter comme une araignée sur sa toile et grimper au mât pour atteindre la barre, admiratif de voir l'agilité du jeune homme. C'était son tour.

Ce n'est pas sans appréhension qu'il posa la main sur le grand filet mouvant. Il entendit le major lui crier : « tu nous diras ce que tu vois là-haut ! Enfin tu nous feras des signes ! » et son grand éclat de rire le fit frissonner .

Il n'avait pas le choix ; il devait le faire. Il posa une main puis deux, puis plaça un pied et pris appui sur celui-ci pour mettre le second. Son ascension commença. Il n'osait pas trop regarder en bas, il sentait tous les regards tournés vers lui. Il progressait lentement, mais il progressait. Il finit par atteindre la barre, la saisit à pleines mains et essaya de s'y asseoir comme le faisait John. Son pied glissa et il lâcha une main, mais resta muet. Il entendit un « ah ! » montant jusqu'à lui et reconnu John qui lui criait « agrippe-toi tu y es presque ! ». Il perçut aussi le ricanement du major. Lorsqu'il parvint à se rétablir et qu'il fut assis sur la barre et tourna un bout autour de son bras comme il avait appris, il regarda devant lui. Il aperçut une bande noire sur l'horizon. Pouvait-il s'agir de la terre ? Le paysage était d'une telle beauté qu'il en oublia ce qui se passait au sol. Le soleil faisait briller la surface de l'eau de milliers d'éclats, la mer était d'un bleu profond. Il fut sorti de son ravissement par la voix du major qui paraissait contrarié.

« Descends de là, tout de suite ! Tu ne crois pas que tu vas lézarder ! » et dans le même temps il entendit « Terre ! Terre ! ». Tout le monde espérait un accostage car il était loin le temps où ils avaient mis pied à terre.

Charles s'attarda un peu et finit par redescendre avant que le major ne l'invective de nouveau.





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