Florea an 609 AUC (convertir une date)
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Version (ID) : 2143
Date : Frodea an 121 AUC
Titre : 1ère édition
Contenu :
1er Prix : Rhaegon avec son texte "War"
Il faut courir, vite, le temps est haché en morceau de vie par les larmes de plomb de la mitrailleuse ennemie et volette dans l’étendue plane.
Un pas, un autre, la boue mange mes traces, elle lacère mon visage par de fines stries de terre soulevées par le dégoût et les crachats des canons, ce miasme s’élève et retombe en flagellant les âmes en mouroir.
Un trou, je saute, une chance, une vie en plus peut-être…
Je glisse, mon visage étreint le froid, le liquide, de l’eau ?
De la pureté dans la fureur, ma bouche s’ouvre sans un cri et à gros goulot aspire le liquide sacré, cette joie furtive inondant ma gorge sèche et rauque…
Mes poumons crient mais j’exulte, de l'onde dans ce flot de feu, dans ce tourbillon de mort…
Je me redresse, les yeux clos sur cet instant d’espoir et de sérénité, je n’entends plus le désastre. Mes yeux s’ouvrent en sourire et de sa vision tout replonge dans un ouragan de ténèbres, le feu fuse sur mon côté, d’un cratère jaillissent les larmes de Gaia, le râle d’un compagnon, de qui ? Ami ? Frère ? de cette vision tout espoir s’envole, comme les mouches au bourdonnement strident qui s’ébattent sur le cadavre boursouflé de ce soldat allemand, flottant dans la flaque où j’ai bu la mort, de ses yeux exorbités, j’ai vu la mort, de sa bouche édentée ouverte sur le néant, je l’entends qui m’appelle, Ferdinand, Ferdinand…
Je dois partir, vite, courir, échapper à cette fièvre, à la folie, condamné…
Vite, un pas, puis l’autre, puis…
Je flotte, moi aussi, plus de bruit, plus un cri, le silence remplace les râles.
Je chute au ralenti, couché.
Je vois le ciel me sourire.
Je lui réponds et les nuages se voilent de rouge, dans le calme du champ, je me sens fatigué. J’ai chaud et je me sens sinué, ma main lentement se lève et elle est rouge aussi, elle ruisselle d’encre de sang…
Je suis fatigué, le grondement des machines du fléau se tait lentement…
le ciel, si lourd, rouge…lourd…rouge…
2ème Prix : Qwertz Bluehair'd avec son texte "La dernière nuit du pornocrate"
Lorsque j'ouvris les yeux, je ne vis que le noir… Pas un de ces noirs comme je pouvais les vivre d’habitude, ceux qui me permettaient encore de distinguer vaguement les contours de son lit, ni un noir léger comme celui de mes parties de jambes en l’air avec des filles de joies faciles, aux dentelles rêches et à l’haleine chargée, non, c'était un noir profond et compact, épais, dense, velouté et presque sucré.
La grande nuit annoncée était là, une nuit sans fin, sans la moindre étincelle, sans le bout rougeoyant d’une cigarette, sans la flamme de la bougie, sous son petit abat-jour de verre écarlate, sur le rebord de sa fenêtre, sans le rai de lumière sous la porte menant au hall du bordel, sans le miroitement argenté de la lune sur la lame de son couteau fatidique… Le noir complet…
Et soudain, j'eus peur pour la première fois de ma vie : jamais je n’avais été plongé dans un noir aussi sombre… J'essayais de m'imaginer la nuit des abysses, loin sous la surface scintillante de la mer, et je me persuadais, je savais, que mon noir était encore plus pâteux… et pas de lynophryne, ce poisson-lanterne à la gueule démesurée, celui qui attire ses proies comme une prostituée attire ses clients, pour émettre ne serait-ce qu’un flash de temps à autre… Rien. Rien que la nuit noire. Rien que la nuit noire et la peur.
Un soir, au coin d'un comptoir, en vidant une chope avant d’aller me vautrer pour la quatrième ou la cinquième fois de la nuit, j'avais entendu cette phrase bizarre dans la bouche édentée d’un vieil alcoolique : « Un jour, il faudra bien qu'il fasse nuit. » Mais alors, combien de temps cette nuit allait-elle encore pouvoir vaincre le jour à venir ? Car il faudrait bien qu'il y ait un jour, non ? Toute nuit succède à un jour qui succède à une nuit… Et le jour, tout s'arrête… en attendant la nuit suivante, pleine de promesses, de jolies fesses et de nouvelles filles… C’est l'ordre logique des choses, mon ordre, ma logique, …mes choses… Toutefois, l'idée soudainement macabre de ne plus revoir la lumière du jour s'installa dans mon esprit, malgré mon apathie pour le soleil qui stoppait mes étreintes, s'y incrusta profondément et crût rapidement. La peur commença alors à s'éloigner, comme un reflux sur la plage… Je savais que tout allait finir…
Dans cette nocturne solitude silencieuse, quel était le risque encouru ? Certes, je ne voyais rien, comme un aveugle malheureux, la tête prise dans un nuage opaque et monochrome, mais je ne risquais rien. Je savais que j’'tais seul, absolument seul, enfin débarrassé d'elle… Elles enfin débarrassées de moi ?... Seul dans ma nuit éternelle.
Que faire quand on est seul, dans le noir, et qu'on l'est pour l'éternité ? Réfléchir, se remettre en question, s’'bserver de l'intérieur, entrer en introspection… Loin dans ma mémoire, dissimulé derrière des souvenirs plus récents et plus joyeux, ceux de mes grandes orgies nocturnes, je retrouvais l'image d’un vieillard, sans doute mon grand-père, un homme pieux, tout mon contraire, qui, au moment de sa mort, avait murmuré « Je vois de la lumière… » juste avant de fermer les yeux pour la dernière fois…
Le flux de l'angoisse remonta alors plus haut que la première fois, si haut que la sueur se mit à ruisseler de mon front, coulant dans mon dos, cherchant un chemin entre les poils de mes mollets, et j'eus froid : c'était la première fois que je pensais frontalement à la mort. Mais je me disais que j'étais simplement quelque part dans une nuit : puisque je pensais, que je respirais, que je bougeais, que je pouvais palper mon torse percé et entrelacer mes doigts pleins de sang, c’est que j'étais vivant !
L'angoisse se fit terreur ; la transpiration formait de grosses larmes amères et salées, pleurées par chacun des pores de ma peau qui en avait touché tant d’autres, inondant ma chemise imprégnée de son parfum lourd, vulgaire, bon marché, et dégouttant sur le sol dans une série de crépitements brefs, mousson sur une tôle ondulée… Mes larmes s'accumulèrent, roulèrent le long de mes joues, double territoire des baisers chastes des débutantes, et, bientôt, mes chevilles furent recouvertes par cette mer que je venais de suer. Un orage sangloté s'abattit sur cet océan neuf, dans le tonnerre de mes râles désespérés, dans l'agitation de mes spasmes nerveux, ceux-là mêmes qui me menaient autrefois à l'orgasmique sommet de mon art égoïste, et je fermais les yeux pour ne plus voir ma sinistre solitude, cette nuit qui fut naguère ma crapuleuse complice et ce noir si effrayant…
Lorsque je rouvris les yeux, je ne vis que le noir. Encore et toujours du noir. La mer, à mes pieds, avait disparu. J'étais calme, sec et confortablement installé dans une tiédeur maternelle, loin de mes habituelles pensées de pornocrate décadent, libre enfin. Je sentais à nouveau mon cœur battre, après toutes ces années de grand silence… Je venais de comprendre qu’elles m’avaient soigné…
Un léger bourdonnement, un faible grésillement mécanique, se fit entendre loin au-dessus de moi. En levant la tête, je vis un rai de lumière se dessiner dans un plafond jusqu'alors ignoré, puis la ligne s'élargit jusqu’à former un carré d'où coulait une douce luminosité.
Je vois de la lumière…
Apparaissant au-delà de l'ouverture, une grande main blanche et ridée s'avance doucement, traverse l'orifice avant de former un poing géant d'où jaillit un index osseux, pointé sur moi, victime désignée, mais résignée et sans peur. Je lève mon bras pour me protéger les yeux : ma nuit vient de prendre fin.
Soudain, à travers la trappe de mon ciel, une voix se fait entendre, grave et lente, sérieuse et impériale :
- Suis-moi, il est l’heure !
3ème Prix : ewiedu69 avec un texte sans titre
Allongée sur le sol, brisée, je ne sais plus quoi faire. Je n’ai même plus la force de me relever. L’homme est parti, je peux enfin reprendre mon souffle. La scène entière repasse en boucle dans ma tête, et un frisson d’horreur me parcourt. Mon corps entier se révulse à la pensée de cet homme, de sa voix qui résonne dans ma tête, de son regard menaçant, de ses mains brûlantes parcourant lentement mon corps. Je ne peux réprimer un sanglot, je me sens comme impuissante, j’ai honte. La honte de n’avoir pu lui résister, de ne pas avoir été assez forte. Il faudrait que je me lève, que j’affronte le monde, mais j’ai peur. Tellement peur. Comment pourrais-je à nouveau marcher dans la rue, parler avec mes amis, vivre ? Mon corps est comme souillé, je me sens si sale, je suffoque. Pourtant, je sais que jamais je ne pourrai raconter à qui que se soit ce que je viens d’endurer. Le regard des autres, la pitié dans leur regard, je ne pourrai le supporter. Je sens le sol froid et humide contre ma peau, mais je préfère attendre encore un peu avant de me relever, avant de retrouver le monde extérieur. J’ai besoin d’encore un peu de temps pour réfléchir à ce qui vient de se passer, j’ai du mal à réaliser. Une fois encore la scène défile devant mes yeux. Une colère sourde s’insinue doucement en moi, une colère qui ne tarde pas à se transformer en haine envers celui qui vient de gâcher ma vie, celui qui hantera mes rêves jusqu’à la fin de mes jours. Je ne connaîtrai jamais plus le bonheur, cette vague insouciance qui me berçait autrefois. Je n’aurai de cesse que lorsque je me serai vengée de lui, que lorsque qu’un dernier et ultime soupir s’échappera de sa poitrine. Ma résolution est prise, j’ai enfin trouvé un but à ma vie, grâce à celui qui vient de causer mon malheur, et mon corps entier n’aspire qu’à une chose : » Vengeance !»