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Dernière édition : Helia an 249 AUC
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Récit aventureux créé en Vertumna 220 par Dame Faresc. Cette série n'a de prétention que le divertissement.
Mes inspirations:
- L'univers de Tolkien,
- La trilogie de Terry Brooks : Shannara
- La saga de Terry Goodking : L'épée de vérité
Dernière édition : Frodea an 221 AUC
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Serinoë
Le temps s'égrenait et l'enfant grandissait à vue d'oeil. Ils l'avaient déposée, il n'y avait seulement que deux mois et elle avait déjà atteint sa taille adulte. Doucement, la licorne blanche maculée s'approcha de la jeune fille et la poussa de son museau. Quand cette dernière se tourna vers l'animal, elle lui posa la main sur les naseaux, la licorne souffla en faisant claquer ses lèvres bruyamment. Le nuage de buée qui en sortit retomba en fines gouttelettes sur le dos de la main tendue.
"Qu"elle est ton nom? demanda la licorne
- Je me nomme Serinoë et toi qui es-tu?
- Je suis une sœur de la Licorne Sacrée.
- As-tu un nom ?
- Je réponds au nom de Mériade. Tu es venue comme l'annonçait la prophétie.
- Je sais des choses sans les avoir apprises, j'ai l'impression d'avoir vécu mille ans.
- Tes parents m'ont donné mission d'être à tes côtés et nous devons partir pour le Rassemblement".
La jeune fille était d'une beauté époustouflante, comme peuvent l'être les princesses de haut rang. Sa longue chevelure était d'un noir de geai contrastant avec la robe blanche de l'animal. Elle passa sa main sous l'encolure de la bête et d'un geste doux posa sa tête contre celle de Mériade.
"Nous sommes donc amies douce monture ?
- Notre destin est lié", répondit l'équidé.
Elle plia les pattes avant pour inviter la jeune fille à monter sur son dos, dans un mouvement svelte Sérinoë s'exécuta. Elles partirent au petit trot.
Sérinoë ne se lassait pas de s'extasier sur les oiseaux qui virevoltaient autour d'elles. Elle touchait au passage les feuilles des arbres qui étaient à sa portée. La licorne se mit au pas, pour que sa cavalière puisse être plus à son aise. Rien ne les pressait, les autres arriveraient plus tard, après l'éducation de sa maîtresse.
Elles arrivèrent dans une vaste prairie où les herbes étaient tellement hautes que la cime des brins effleuraient les pieds de la cavalière qui se penchait pour les toucher de la paume de la main. Serinoë riait.
La licorne hocha la tête et dit: "Cela t'amuse on dirait, mais ne rit pas trop fort, douce amie nous devons nous faire discrètes, jusqu'à notre arrivée à la grotte".
Comme pour répondre à une réprimande, Serinoë se tut et remplaça son rire clair par un sourire qu'égayait son visage et faisait pétiller ses yeux gris de malice.
Soudain, le décor changea. Elles se retrouvèrent près d'une rivière qu'elles devraient traverser ; pour atteindre le sentier qui montait à travers la montagne qui se dressait devant elles. Elles firent une pause afin que Mériade s'abreuve. La jeune fille en profita pour se passer de l'eau fraîche sur le visage et boire un peu. L'eau devait venir des hauteurs car elle était très froide.
Par moment, la licorne relevait la tête comme avertie d'un danger et fit comprendre qu'il était préférable de repartir. La rivière était peu profonde. Le chemin devint très escarpé et les sabots de la licorne claquaient sur les pierres, comme si elle voulait s'y agripper. Le vent soufflait et devenait de plus en plus froid au fil de leur ascension. La cavalière ne ressentait visiblement pas le froid . A plusieurs reprises, la patte de Mériade dérapa sur les cailloux et elle donnait des coups de rein pour redresser la trajectoire.
Elles aperçurent enfin une ouverture dans la roche ; la grotte.
Il y avait une petite plateforme à l'entrée ce qui permettait d'avoir une avancée et un aplomb sur la vallée. Lorsque Sérinoë mit pieds à terre la licorne la poussa de la tête vers le fond de la caverne.
"Arrête ! Ne me pousse pas ! Où me conduis-tu?"
Elle se trouva bientôt face à un coffre. Il était fermé par une serrure métallique.
"Comment vais-je l'ouvrir, dit-elle, en se retournant vers Meriade.
- Tu as la clef, là sur la chaîne que tu portes autour du cou!
Sérinoë ne semblait pas en avoir conscience, mais elle prit naturellement la clef sans plus d’étonnement et l'entra dans la serrure. Le coffre grinça lorsqu'elle souleva le couvercle et elle y découvrit une baguette sculptée dans de la corne de licorne. Elle la prit en main et la licorne s'exclama: "Bienvenue, Serinoë ! Tu as enfin retrouver ta baguette et tu peux maintenant prendre possession de tes pouvoirs.
- Mes pouvoirs? s'étonna-t-elle.
- Oui, tes pouvoirs la prophétie te nomme "fée" ou "magicienne" et tu as de grands pouvoirs qui permettront à "l'archer" de nous sauver.
- L'archer?! répéta mécaniquement la jeune fille. Où est donc cet archer?
- Tu devrais faire sa connaissance au Rassemblement."
Dernière édition : Frodea an 221 AUC
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L'archère
Dans la forêt vivait l'archère. Elle s'y retrouvait seule par un vilain coup du sort. De noble lignée, elle était née dans les Terres du Nord. Le prince de la province était l'un des meilleurs archers du pays et ne tolérait pas qu'on le défie, encore moins que l'on soit meilleur que lui.
Elle avait dû fuir. Fuir à cause de son audace et de sa fierté. Elle n'avait emporté que son cheval, son arc, ses flèches, des petits outils et était suivie par un faucon semi-dressé. Elle était maintenant recherchée par la garde princière et devait se méfier même de ses amis.
Au début, elle essaya de vivre près de la cité, mais finit par s'enfoncer dans les Terres du Nord à la lisière de la forêt et des montagnes. Elle vivait de pêche, de chasse et toute sa survie tenait dans son arc.
Elle était particulièrement vigilante au crépuscule, les feux pouvant se repérer à des kilomètres. Elle avait construit une cabane aux abords de la vallée.
Après la piste, le chemin serpentait à travers d'épais buissons et conduisait à un petit trou à même la roche. Elle s'en servait comme d'une cave pour y stocker un peu de nourriture et y dissimuler le fer qu'elle volait près des habitations. Sans celui-ci, qu'elle utilisait pour confectionner la pointe de ses flèches, elle ne pouvait survivre.
Cependant, elle avait un allié : le faucon. Il la survolait souvent. Lorsqu'elle chassait, il lui subtilisait parfois quelques proies. Si elle devait se cacher, tapie dans un fourré, elle parvenait à reconnaître ses battements d'ailes dans le bruissement du vent. Son cri la prévenait des dangers. Il n'était jamais très loin. Si la voie était libre, un nouveau cri retentissait.
La vie aurait pu être tout autre pour Luciléa. Elle pouvait prétendre à un mariage de haut rang. Au lieu de cela, elle avait prouvé à un prince imbu de sa personne qu'il y avait meilleur que lui au noble sport de l'Arc. Ce jour-là, elle n'avait pas seulement obtenu plus de points que lui, mais pour le ridiculiser elle avait visé si précisément qu'elle avait fendu la flèche que le prince venait de mettre juste au milieu de la cible. La colère du prince était telle, qu'il avait failli en venir aux mains. D'un geste large du bras, il avait commandé à ses gardes: "Qu'elle disparaisse de ma vue à jamais, conduisez-là à la porte de la cité!".
Malgré les cris de la mère de Luciléa et la rumeur de la foule ; ainsi fut fait.
Elle s'accommodait de sa nouvelle vie. La seule chose, qui lui manquait réellement, c'était les soirées où sa marraine lui faisait la lecture. Elle n'avait pas eu le temps d'emporter des livres.
Mais depuis quelques temps, ses journées étaient consacrées à l'interprétation de peintures rupestres qu'elle avait découvertes dans l'une des grottes que l'on apercevait, un peu plus haut dans la montagne, en longeant le fleuve. Elle commençait à peine à comprendre le sens de cette prophétie, car c'est de cela qu'il s'agissait. Les peintures représentaient la prophétie de la licorne. Elle en avait entendu parler au château, mais personne, non jamais personne, n'avait mentionné qu'une telle représentation existait.
Les dessins se déployaient en quatre points ; les quatre points cardinaux. Au centre, il s'agissait sans nul doute du Rassemblement. Puis, du centre s'écoulait comme un fleuve, une rivière, un chemin qu'empruntait un petit groupe d'hommes ou de femmes avec des montures à leurs côtés.
Ce qui l'intriguait par dessus tout et qui la fascinait, c'était cet arc tendu, une flèche prête à être lancée qui était représentée au Nord.
Avait-elle un rôle à y jouer ? Très vite elle chassait cette idée. Comment pouvait-elle être aussi prétentieuse ?
Lorsqu'elle redescendait dans la vallée, elle était souvent en colère contre elle-même. Sa fierté ne l'avait-elle pas conduite à devoir se cacher, à vivre seule, ne pouvant revoir les siens ?
Elle partait alors au grand galop, la rage au cœur, suivant le fleuve jusqu'à épuiser sa monture. Faire le vide dans sans tête. Ne plus penser. Parfois, même, elle pleurait.
Dernière édition : Diona an 222 AUC
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La demoiselle au long cours
Ils avaient pris la mer depuis bien longtemps. Sheallyne ne connaissait que la mer ou presque. Sa mère morte après lui avoir donné naissance, son père l'avait embarquée sur son trois mâts avec une nourrice.
Ses premiers pas chancelants avaient été faits sur le pont. Le moindre recoin du navire lui était familier. Le son des craquements de la coque de bois lui indiquait le temps qui se préparait.
Des années durant, ils avaient fait commerce de port en port. La petite Sheallyne courait sur les marchés donnant du fil à retordre à sa nourrice qui fut un jour laissée dans l'une des cités. La séparation fut un crève cœur pour toutes les deux.
Son père lui apprit le maniement de l'épée. Elle ne craignait aucun pirate. Elle avait dû se battre à plusieurs reprises aux côtés des marins fidèles qui faisaient office de famille pour la demoiselle au long cours surnom que lui avait donné l'un des matelots.
Elle entendit parler de la légende un soir de veillée. Le vieux Scribe, qui ne savait ni lire ni écrire, avait un talent de conteur que nul ne pouvait égaler ce qui lui valut son surnom. Il pouvait de mémoire contait par le détail les événements d'une journée passée. Dès qu'il s'engageait dans l'histoire de la légende les commentaires des marins étaient sans appel:
"La légende des Terres Sacrées est un mythe, un conte pour enfants! La licorne sacrée n'existe pas. Pourquoi nous faire perdre notre temps avec tes fables?"
Sheallyne était la seule à y rêver étant enfant. Souvent elle surprenait son père et Scribe lisant une carte sur un vieux parchemin. Elle n'avait jamais su que ce parchemin allait changer sa vie.
C'est un jour de tempête que tout bascula. Plusieurs marins se noyèrent et son père attrapa une fièvre qui l'emporta. Elle resta à son chevet des mois durant. Ils avaient fait cap sur les mers chaudes du Sud afin que le climat soit plus clément. Mais rien n'y fit, le vieil homme fatigué donna à sa fille un coffre et une clef avant de rendre son dernier soupir. Elle y trouva un titre de propriété concernant une maison et un vieux parchemin. Celui aperçut maintes fois. Surprise par son contenu, elle le roula et pensa: "Le vieux fou de Scribe ne racontait pas de sornettes."
La fable, la légende y était relatée et une carte de navigation l'accompagnait.
Elle décida de se rendre au domaine. Son oncle en charge de faire tournée l'exploitation de chanvre, n'entendait pas être évincé par son retour de la tête de l'entreprise. Elle n'était pas la bienvenue. Elle n'eut qu'un seul plaisir celui de retrouver sa nourrice certes vieillissante et souffreteuse, mais la joie fut grande. Elles passèrent beaucoup de temps ensemble et une présence féminine lui fit le plus grand bien.
Ayant fait comprendre à son oncle que ses intentions n'étaient pas de nuire à ses prétentions, elle lui proposa de lui vendre le domaine pour une somme toutefois symbolique au regard de l'exploitation agricole. Il s'empressa d'accepter.
Elle reprit donc la mer avec deux fidèles marins de son père. Elle avait un rendez-vous et devait se rendre au Rassemblement, dont la légende faisait mention. Car depuis son retour chaque soir elle relisait le parchemin et avait pris note de tout ce que Scribe avait pu raconté à son sujet.
Prise pour une folle, c'est sous les regards semi-amusés, semi-inquiets qu'elle quitta le port pour un pays inconnu.
La direction à prendre était claire, cap au Sud, Sud-Ouest. Une région où seuls quelques peuples nomades venaient parfois faire commerce.
Dernière édition : Frodea an 221 AUC
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Héliana
Héliana vivait dans les marais depuis toujours. Elle savait qu'elles n'allaient pas tarder à venir. Elle avait été préparée pour cette rencontre. Elle en était le centre.
Depuis son plus jeune âge la grande prêtresse lui avait enseigné que trois jeunes filles viendraient accompagnées d'une licorne blanche. Elles arriveraient une à une, mais personne ne savait dans quel ordre. Elles devraient alors toutes ensembles partir pour un pays inconnu.
Ces femmes avaient un destin lié. La prêtresse lui avait également appris qu'elle ne verrait plus les marais, son départ serait sans retour.
Pourtant elle aimait s'y perdre. Elle avait une embarcation, une barque à fond plat, et elle se déplaçait au travers du marais en poussant à la bourne son petit bateau. Même par temps de brouillard elle parvenait à s'y diriger.
Elle n'avait pas seulement un sens de l'orientation inné, elle connaissait le maniement de l'épée et du sabre. Cet enseignement lui avait été inculqué par le maître d'armes.
Elle essayait de passer le plus de temps possible dans les lieux qu'elle aimait. Elle imprégnait sa mémoire des senteurs que répandait la nature à l'aube et au crépuscule. Elle craignait de les oublier lorsqu'elle serait loin de sa terre natale.
La prêtresse et le maître d'armes étaient les seules personnes qu'elle connaissait. Elle les aimait comme des parents. Héliana se demandait parfois si ce n'était pas le cas. L'amour que lui portait la prêtresse pouvait le laisser penser.Elle vivait dans le non dit.
Elle parlait peu. Elle se hasardait parfois, après une longue journée de cheval au grand galop, près du village le plus proche. Elle y voyait : la Vie.
Elle se cachait aux abords d'une maison, elle était devenue maître dans l'art de se fondre dans le décor. Elle observait. Elle aimait le rire des enfants, le sourire des mères et la voix autoritaire des pères revenant des champs ou des ateliers. Elle les écoutait sans bruit.
Un jour elle se retrouva face à face avec un garçonnet qui visiblement était bien loin de sa maison. Il pleurnichait.
- Sais plus où est ma maison, tu le sais toi ? lui dit-il d'un air déterminé.
- Hélas je ne peux t'aider. Sa propre voix la surprit. Viens nous allons chercher.
- Je ne trouve pas le pont !
- Alors si tu habites près du pont, on va suivre la rivière et nous allons forcément retrouver ta maison
- T'es gentil, t'es qui ?
Le regard inquisiteur du petit garçon l'amusait beaucoup.
- Je m'appelle Héliana et toi?
- moi c'est Gil.
- C'est un joli nom.
- Ben moi je ne l'aime pas dit-il boudeur.
Ils avaient marché un bon moment et soudain le gamin courut en direction d'une chaumière.
-Salut! cria-t-il
-Attends! dit-elle mais il était déjà reparti.
Elle avait aimé discuter avec lui. La solitude parfois lui pesait, mais elle n'en disait rien à la prêtresse et au maître.
Ce soir-là quand elle rentra, la prêtresse lui dit:
-Je suis heureuse que tu aies pu rencontrer quelqu'un au village.
Héliana rougit, on ne pouvait rien cacher à la prêtresse elle avait un don de télépathe. La jeune fille n'avait donc aucun secret. Parfois elle venait à espérer que le Grand Rassemblement ait lieu le plus rapidement possible. Au moins elle aurait peut-être des amies.
Dernière édition : Frodea an 221 AUC
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Chapitre 5
La menace de l'Ombre
Mériade était inquiète. Bien que Serinoë soit parvenue en peu de temps à dominer ses pouvoirs, le temps pressait.
Le Grand Rassemblement devait avoir lieu avant le solstice d'hiver, c'était impératif. Même si Serinoë s'essayait sur les saisons, on pouvait passer de l'hiver à l'été sur la journée deux ou trois fois par jour près de la grotte, elles continuaient leur rythme dans la vallée.
Il lui restait à maîtriser le brouillard avant que les autres n'arrivent. Il était primordial pour toute l'équipée qui serait formée au Rassemblement que la jeune magicienne acquiert cette technique.
Dans la vallée régnait l'agitation d'avant l'orage. Mériade s'inquiéta ; est-ce le Grand Orage qui s'annonçait? Elle attendait ce signe avec beaucoup de crainte, car si l'orage de la prophétie éclatait, c'est qu'il était grand temps de se mettre en chemin et que le danger n'était pas loin. Elles devaient rejoindre les autres dans les marais, elles ne pouvaient se permettre d'attendre.
Serinoë avait, dans le regard, cette candeur qu'ont les enfants lorsqu'ils découvrent les choses. Elle avait un corps de femme mais en réalité sa naissance avait eu lieu il y a à peine quelques mois et parfois elle se comportait comme une enfant.
Le temps. La maîtrise du temps. Mériade aurait aimé être capable de l'arrêter, mais même la magie n'y pouvait rien. Le temps s'écoulait et avançait vers l'ultime épreuve.
Elle se dirigea vers Serinoë et lui dit d'un ton grave:
-Il est temps. Range tes affaires dans le coffre, ne prends que ta clef et la baguette. Revêts des vêtements de pluie car l'orage est proche.
Serinoë lui sourit et d'un coup de baguette se retrouva avec une capeline sur les épaules.
- Je suis prête, mais pourquoi tant de hâte? Nous n'attendons plus les autres?
C'est un éclair dans le ciel qui lui apporta la réponse. Il zébra le ciel jusqu'au plus profond de la vallée. Des nuages noirs s’amoncelaient et progressaient vers la montagne, menaçants.
- C'est l'Orage de la prophétie mon amie?
- Hélas! Nous sommes en retard. Vite! Grimpe sur mon dos.
Leur descente vers la vallée à peine commencée, ils apparurent dans le lointain. La licorne s'arrêta net et tourna la tête en leur direction.
-Ils sont là ! Regarde à la sortie du nuage, les ombres ailées. Ce sont les oiseaux de l'Ombre, ils ont été libérés. Tu es en danger! Filons vers la forêt! Cramponne-toi!
Aussitôt la licorne prit le maximum de risques car si les créatures de l'Ombre les trouvaient sur ce chemin escarpé, elles n'auraient aucune chance de s'en sortir vivantes. Mériade s'appliquait à descendre les derniers mètres qui leur restaient à parcourir lorsque la pluie commença à tomber.
Enfin elle pouvait galoper. La pluie était de plus en plus forte et de plus en plus froide. Serinoë malgré sa capeline ressentait le froid, l'eau était gelée.
Mériade garder le train, elle cherchait du regard la lisière de la forêt. L'obscurité enveloppait la terre. Les oiseaux grossissaient dans le lointain, ils se rapprochaient. La licorne blanche regrettait une fois encore que la jeune fille n'arrivait pas à contrôler le brouillard, si tel avait été le cas, elles seraient à l'abri de ces abominables volatiles.
La pluie était de plus en plus froide, déjà l'herbe se pétrifiait de glace. Signe que les monstres volants seraient bientôt au-dessus de leurs têtes.
-Mériade l'eau me glace cria Serinoë,
-Sers-toi de tes pouvoirs pour te réchauffer, répondit la vaillante licorne dont le souffle devenait de plus en plus court. Serinoë fit de son mieux pour lutter contre le gel qui tombait du ciel noir de geai.
La première attaque fut brutale. L'oiseau plongea sur la cavalière et sa monture ; la licorne fit un pas de côté qui les sauva. La créature malfaisante les rasa de ses ailes immenses et se redressa juste avant de percuter le sol, elles s'étaient dérobées sous elle.
Enfin la forêt fut en vue. La licorne reprit courage et accéléra dans un ultime effort. L'oiseau de l'Ombre était prêt à fondre de nouveau sur elles et il n'allait pas manquer deux fois sa cible. Il tombait en piquer, les serres en avant. Serinoë se coucha sur la crinière de Mériade. Celle-ci accéléra tant qu'elle le pouvait encore et sauta par dessus une souche qui barrait le chemin. Un cri de douleur envahit l'espace.
Un petit faucon s'interposa entre le dos de Serinoë et les serres qui allaient se refermer sur la jeune fille. Le faucon était enserré et ne pouvait plus respirer. Mériade crut entendre son dernier souffle.
Un autre cri d'horreur venant de la forêt se fit entendre:
-Noooon! Pas ça! hurla l'archère. Elle se mit aussitôt en position et décocha une flèche puis une seconde qui atteignit l'horrible oiseau sur le flanc. Il ouvrit ses serres et lâcha le faucon qui tomba comme un caillou. L'archère tendait son arc, visait et lâchait la corde à la vitesse de l'éclair. Enfin l'une d'elle atteignit l'espèce de vautour en plein cœur. Son cri strident raisonna dans la vallée.
Mériade et Serinoë étaient enfin à l'abri dans la forêt.
Les monstres ailés avaient l'air de battre en retraite, comme repoussés par la forêt. Luciléa allait se précipiter vers son faucon qui gisait sur le sol, mais la licorne blanche l'en empêcha.
-Non! N'y va pas! Attends!.
Les arbres se serraient les uns contre les autres en se pliant pour faire un écran de feuillage épais. Luciléa n'en croyait pas ses yeux.
L'urgence était maintenant de se cacher au plus vite. L'obscurité qui se déroulait sur la vallée comme un drap tiré par les oiseaux de l'Ombre, se mit à reculer, la pluie cessa, les créatures disparurent en hurlant. Un cri qui vous glaçait le sang. Tout devint calme et le soleil darda un rayon à travers les arbres.
Luciléa se tourna vers Mériade et Serinoë, pour la première fois elle prit conscience qu'elle venait de les sauver mais aussi que les dessins de la grotte devenaient réalité.
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Chapitre 6
L'arbre du Savoir
Ce matin-là dans les marais.
- Héliana ! Héliana! Réveille-toi ! Vite !
La prêtresse la secouait avec vivacité. Encore engourdie de sommeil Héliana dit enfin
- Que se passe-t-il?
Elle n'avait jamais vu la prêtresse avec un tel regard. On y lisait la peur, l'inquiétude et l'urgence.
- Oh, mon enfant, il faut que je t'emmène vers l'Arbre du Savoir, c'est à ton tour maintenant. Il faut faire vite car la licorne et ses amies sont en danger.
Héliana ne comprenait pas un seul mot de ce que venait de lui dire la prêtresse. Une chose dont elle était certaine ; elle ne lui avait jamais parlé avec autant d'empressement. Elle s'habilla à la hâte et la suivit.
Le chemin, qu'elles empruntèrent, n'était pas connu de la jeune fille. On lui avait toujours dit de ne pas fureter dans cette direction, étant selon de vieilles légendes le chemin du Savoir autorisé aux initiés. Élevée dans la discipline et le respect, elle n'avait donc jamais foulé le sol de cette partie du marais.
Très vite le paysage changea et elles se trouvèrent aux abords d'une forêt, dans laquelle elles pénétrèrent. La première rangée d'arbres avait les racines dans une terre imbibée d'eau.
Elles arrivèrent dans une clairière où était planté en son centre un vieux chêne tout biscornu. Il avait l'air plutôt malade et n'avait aucune grâce, mais lorsque la prêtresse arriva près de lui, l'arbre se redressa. Ses branches nues devinrent fières et feuillues. Deux d'entre elles formèrent ... les bras.
- Viens Héliana .... n'ait aucune crainte prononça le vieil arbre d'une grosse voix rauque.
La jeune fille regarda la prêtresse qui lui dit:
-Va ma fille c'est à toi qu'il parle, je ne peux l'entendre.
La jeune fille s'approcha avec toutefois quelques inquiétudes. La présence de la prêtresse finit par la convaincre qu'il ne pouvait rien lui arriver de grave.
Quand elle fut tout près du tronc, il l'enlaça, fermant ainsi le passage de la retraite. Le cœur d'Héliana battait à tout rompre, ses jambes commencèrent à trembler.
-Suis-je si impressionnant, mon enfant?
L'arbre posa l’extrémité de sa branche sur l'épaule d'Héliana comme pour l'apaiser. Ce qui en somme fonctionna.
- Es-tu prête à entendre la vérité sur ta naissance et ton passé? Avant de répondre il faut que tu saches qu'une fois accepté le Savoir te sera donné. Ainsi tu deviendras prêtresse à ton tour et tu pourras percevoir le passé, le présent et l'avenir comme ta mère ici présente.
- Ma mère? murmura Héliana.
- Oui ta mère comme tu l'avais deviné, il me semble.
Peu à peu ce n'était plus un chêne qu'elle avait face à elle, mais plutôt un druide très âgé, à en croire sa barbe et les rides qui couvraient son visage.
- Alors ? Le veux-tu? Ton destin en sera fondamentalement transformé. Je ne peux transmettre le Savoir qu'aux personnes qui l'acceptent, bien sûr triées sur le volet ajouta-t-il avec amusement.
- En suis-je digne? s'empressa-t-elle de demander.
- Si tu en es digne?... Ah! s'exclama le vieux druide, tu en doutes? Comment me vois-tu ? dis-moi! l'invita-t-il.
- Je vous vois.
- Mais encore?
- Vous êtes un vieil homme, barbu et ridé.
- Ah! la franchise de la jeunesse!
Ce test passé, elle accepta et écouta.
Kentnys, c'est ainsi que l'on nommait le druide, lui raconta tout d'abord ses origines. Si la prêtresse était bien sa mère, le maître d'armes n'était que son père adoptif. Une guerre avait guidé son père bien loin de chez lui et il n'en était pas revenu. Le maître d'armes ayant combattu à ses côtés avait fait la promesse de veiller sur Héliana et sa mère. A l'époque, Evalina n'était pas encore prêtresse, Kentnys avait eu beaucoup de mal à la trouver.
Lorsqu'elle avait accepté d'être la prêtresse du marais, Andror n'avait pas voulu les abandonner, il était resté.
Héliana était très troublée par ce qu'elle apprenait mais ce n'était rien comparé au moment où le druide lui donna la "connaissance".
Elle vit le monde passé, présent et avenir. Les origines, les guerres, la force de la nature, les forces du Bien et celles du Mal qui depuis des millénaires se livraient une bataille sans répit.
Elle comprit les paroles qu'avait prononcées Evalina et son inquiétude concernant la licorne Mériade, Serinoë sa cavalière et Luciléa l'archère. La vision des oiseaux maléfiques l'avait terrifiée. Elle ne comprenait pas encore quel serait son rôle, mais était prête à leur venir en aide.
D'après ce qu'elle comprit, elle devait se mettre en chemin et retrouver une certaine Sheallyne ; une navigatrice qui était à la recherche du point de Rassemblement.
Elles formaient ensemble : les Elues.
- Héliana, tu connais maintenant ta mission es-tu prête?
- Je ne sais pas vraiment, mais je ferai de mon mieux soyez-en certain Kentnys.
Kentnys s'apprêtait à partir, petit à petit le vieux druide disparut et redevint le vieux chêne tout biscornu.
Héliana aperçut sa mère qui l'attendait. Elle lui sourit et bien qu'elle sache ce qui les attendait toutes les deux, elle communiqua par la pensée.
"Comme je suis heureuse que vous soyez ma mère"
Evalina ressentit tout l'amour qu'avait la jeune fille pour elle et en fut rassurée. Elle la serra très fort dans ses bras sachant que bientôt elles seraient séparées.
- Je te demande pardon pour mon silence mon enfant.
Sur le chemin du retour il y eut peu d'échange. Toutes les informations, qu'avait reçus Héliana, l'avaient beaucoup fatiguée.
Evalina la coucha et lui assura qu'elle ferait les préparatifs du départ afin qu'elle puisse partir au plus tôt le lendemain matin. Au retour d'Andror, elle lui expliquerait que le moment était venu et ainsi, la jeune fille pourrait lui faire ses adieux.
Lorsque qu'Héliana sombra dans le sommeil elle entendit résonner les paroles de Kentnys. "Tu auras beaucoup de choses à apprendre en chemin, ne crois pas que tout est acquis. Il est des choses qu'il faut connaître en son temps".
Dernière édition : Vertumna an 227 AUC
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Chapitre 7
La prophétie
Il ne fallait pas s'attarder. Si les oiseaux étaient partis c'est qu'ils ne pouvaient pas entrer dans la forêt, les arbres leur barraient le passage. Il n'y avait pas que les arbres d'ailleurs, cette forêt était protégée par un charme d'une magie très ancienne. Mériade remercia Luciléa mais ne s'attarda pas en politesses.
-Il faut très vite trouver un abri pour la nuit, dit-elle.
Luciléa surprise de comprendre et entendre parler une licorne ne bougea pas. D'ailleurs les licornes étaient sensées ne pas exister. Elle fut secouée par la résonance du cri de son faucon qui lui revint à l'esprit. Elle comprit enfin que l'on comptait sur elle.
-Je peux vous conduire à la grotte qui se trouve de l'autre côté de la forêt. Elle est étroite mais nous devrions y tenir pour la nuit. Les arbres...pourront-ils faire barrière?
Sa question lui parut complétement ridicule, les arbres pouvaient-ils réellement agir comme ils venaient de le faire un peu plus tôt. N'était-elle pas en train de rêver?
Mériade ressentait le trouble de la jeune fille, mais elle l'interrogea sur la grotte sans lui donner d'explication:
-Dans cette grotte y a-t-il une peinture rupestre?
-Oui, c'est exact, répondit machinalement la jeune fille.
-Alors conduis-nous, je te prie si c'est bien la grotte "prophétie" nous serons à l'abri pour quelques temps. Serinoë tu es bien silencieuse.
-Je ne me sens pas très bien....
La licorne la regarda avec inquiétude, s'approcha et lui toucha la main avec ses naseaux.
- Ta main est brûlante! Es-tu blessée?
-Je ne crois pas, dit faiblement Serinoë, mais elle s'effondra sur le sol.
Luciléa accourut, se baissa vers la jeune fille et l'inspecta.
-Je ne vois aucune blessure.
- La magie! dit Mériade, elle nous a protégées dans notre fuite en utilisant la magie, tout le long du chemin et nul ne peut s'en servir sans conséquence. Mettons-nous en chemin vers la grotte dont tu nous as parlée. Elle doit se reposer.
Luciléa prit Serinoë dans ses bras. Elle était si légère! pensa l'archère. Elle l'installa à califourchon du mieux qu'elle put sur son cheval et grimpa derrière elle pour la maintenir dans ses bras. Mériade avançait à leur côté jetant de nombreux regards inquiets vers les jeunes filles, elle n'était pas tranquille.
Elles marchèrent au pas durant plus d'une heure. Les arbres se refermaient sur leur passage comme pour faire barrage.
-Voilà nous y sommes, mais il faut traverser la clairière et la petit vallée à découvert. Regardez! Elle est là-bas, on l'aperçoit un peu.
Mériade regarda dans toutes les directions et conclut qu'elles avaient le temps.
-Nous devrions être en sécurité pour un moment. Nous sommes moins repérables qu'en début de journée. Ne traînons pas, allons-y maintenant. Il est impératif que Serinoë retrouve des forces si nous voulons avoir une chance de réussir.
Curieusement elles atteignirent la grotte sans problème. L'archère déposa Serinoë sur la couverture qui ne la quittait jamais depuis qu'elle vivait en exil.
Pendant ce temps, la licorne blanche regardait avec attention la peinture. Elle resta quelques instants sans rien dire et s'adressa à Luciléa:
-C'est bien la grotte "prophétie". Tu vois là-haut? C'est toi et tes flèches. Ici nous avons Serinoë et moi-même. Nous devrons rejoindre ici notre embarcation ainsi que la jeune capitaine et notre amie la prêtresse. Voyant l'air interrogateur de la jeune fille, elle ajouta : approche, tu mérites une petite explication.
>Il y a bien longtemps les licornes vivaient heureuses dans les grandes prairies. Les hommes et autres races vivaient en harmonie. Les champs donnaient en abondance, le bétail offrait le lait et la viande plus qu'il n'en fallait.
La lutte commença suite aux années de sécheresse qui se suivirent par une famine inévitable. Plus de blé, d'orge, de seigle encore moins de bétail appétissant. Les fermiers finirent par mendier leur repas, les seigneurs par se tournaient vers le gibier afin de satisfaire les bouches à nourrir. Les grandes chasses commencèrent.
Nous nous sentions à l'abri dans nos prairies bien qu'elles aussi étaient moins vertes. Mais nous parvenions à survivre, à boire et à manger selon nos besoins. Les naissances étaient certes plus rare et la survie de nos petits plus difficile, car notre lait n'avait plus les qualités nutritives d'autrefois.
Nous n'avions pas envisagé que les hommes nous attaqueraient. Ils nous respectaient. Tout d'abord ils cherchèrent les jeunes mères pour leur prendre le lait, puis arriva le jour où l'un d'eux osa, d'un tir de flèche, ôter la vie à l'une des nôtres. Et ce fut le chaos! Le carnage. Nous fûmes chassées sans répit durant de longues années. Alors nous sommes parties loin des hommes. Nous ne sommes maintenant qu'un tout petit groupe loin au Nord.
Les hommes quant à eux, on fait la guerre. Guerre entre races qui a vu le recul des Elfes dans les forêts, des trolls dans les montagnes. Guerre entre les hommes du Nord contre ceux du Sud et ceux du Sud contre les peuplades maritimes.
Les druides se réveillèrent. L'un d'eux s'adressa à nous. Un jour viendrait où l'une d'entre nous devrait quitter le pays accompagnée de trois filles qui seraient choisies par l'arbre du Savoir. Maintenant ou dans leur descendance. Ses trois jeunes filles seraient appelées par la "prophétie" et rien ne pourra défaire ce qui sera fait. Le Rassemblement aurait lieu et le départ serait imminent. Afin de créer un monde de paix et d'oubli, où chacun aurait sa place toutes races confondues.
Mais l'un d'eux renia ses vœux et devint l'Obscur. Il fit tout pour que les enfants ne soient pas trouvées, ni bénies sous les arbres du Savoir. Les druides querellèrent. Mais leurs pouvoirs grandissants, vous avez été choisies. Vos mères avant vous. Il est venu le temps du départ. L'Obscur sait et il n'aura de cesse de nous en empêcher. Nous devons réussir....>
Son récit s'arrêta. Luciléa regardait les yeux écarquillés la fière licorne, mais celle-ci ne lui laissa pas le temps de dire un seul mot.
- Avant que tu ne me poses tes questions, il faut te reposer. Je vais prendre la garde. Demain, il sera temps et nous avons du chemin à parcourir.
Luciléa avait du mal à s'endormir, tant d'interrogations, tant d'images venant envahir ses pensées. Pourquoi? Pourquoi maintenant? Pourquoi avoir était élue? Sa mère avant elle? Enroulée dans son manteau, se réchauffant à peine, elle finit toutefois par tomber de sommeil.
Serinoë semblait dormir paisiblement, mais déjà se dessinait une mèche de cheveux blancs dans sa belle chevelure ébène.
Dernière édition : Florea an 249 AUC
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Chapitre 8
La rencontre
Des mois durant Sheallyne longea la côte et s'arrêtait dès qu'ils apercevaient un village. Chaque fois, elle tentait de savoir si un Rassemblement devait avoir lieu dans la région et chaque fois la réponse était soit un hochement de tête, soit des cris et des rires, car personne n'avait jamais entendu parler d'une telle chose.
Ses deux compagnons de voyage commençaient à trouver le temps long et même lui demandaient de cesser cette quête sans issue.
Elle devait chercher encore et encore, entre les lignes du parchemin le sens caché des mots.
Une phrase l'intriguait surtout: "Le Savoir se manifestera et l'élue prendra la route à la rencontre du marin".
Elle cherchait comment utiliser cette information. A plusieurs reprises, elle avait interrogé de vieux paysans au sujet de légendes ou d'histoires qui se racontaient par le passé. Des histoires elle en avait entendues, même beaucoup, mais aucune ne faisait mention du Savoir.
Une fois de plus elle entendit : Là! Un village !
Les manœuvres furent engagées et c'est le cœur plein d'espoir qu'elle posa les pieds sur le ponton du port.
Sheallyne vit un jeune garçon qui lançait des cailloux dans l'eau.
- Bonjour, comment t'appelles-tu ?
- Gil, dit l'enfant d'un air boudeur.
- Peux-tu me dire où est la taverne ?
- Ben ouais! Tu cherches quoi ?
- Oh, je cherche quelque chose qui est bien compliqué à t'expliquer.
- Toujours pareil! Les grandes personnes ne me disent jamais rien. Sauf Heliana, la fille de la prêtresse, lança-t-il
- Une prêtresse? interrogea la jeune fille.
Gil rougit.
- Sauf que personne ne me croit lorsque je dis que je l'ai vue surgir un jour pas loin de chez moi.
- Pourquoi ?
- Ben les grands, ils disent qu'elle n'existe pas et que j'ai rêvé. Suis-moi!
Sheallyne suivit le garçon "enfin un peu d'espoir", pensa-t-elle.
Elle resta peu de temps dans la taverne. La voyant arriver avec Gil, lorsqu'elle parla d'Heliana, elle n'essuya que les moqueries de ceux qui se trouvaient là. Elle repartit sans insister et rechercha le petit garçon qui n'était pas entré avec elle. Il trainait juste quelques rues plus loin.
- Ils t'ont pas crue?!
- Non, pas un seul instant, dit-elle en riant.
Elle allait repartir, quand elle eut une idée.
- Peux-tu me conduire où tu as rencontré Héliana, s'il te plait ?
Le regard de Gil s'éclaira.
- Ben, viens!
Ils avancèrent vers le bout du village, à la sortie des champs. Un chemin, presque dissimulé par les hautes herbes, se dessinait le long de la clôture d'une prairie à bestiaux. Sheallyne se demandait si elle devait s'engager sur le chemin. En fait, elle ignorait quoi faire. Gil l'observait.
- Tu sais parfois elle reste des mois sans venir, si tu veux la voir il va falloir attendre.
- Ou pas ! s'entendit-il répondre.
Le petit garçon sauta dans les bras d'une jeune fille. Dans son dos, une arme était rangée dans son fourreau.
- Allons! Allons! Gil, calme-toi!
- Une grande personne va enfin me croire, chantait-il. Il courait et dansait autour de la jeune prêtresse.
Sheallyne restait muette, tant la surprise de voir apparaître quelqu'un sur le chemin était grande.
- Tu es "le marin"? dit Heliana en souriant.
- Je suis marin, en effet, chuchota la jeune fille.
- Alors nous allons faire route commune, je me nomme Heliana et "l'arbre du Savoir" m'a annoncé ta venue.
Dernière édition : Helia an 249 AUC
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Chapitre 9
La cabane d'Och
Tous les événements de la veille lui revinrent enfin. Elle se tourna vers Serinoe, mais la jeune fille semblait ne pas avoir bougé. L'équidé vint près d'elle.
- Bonjour, comment as-tu dormi ?
- Relativement bien, mais j'ai un peu froid. Serinoe n'est pas réveillée ?
- Je crains ma jeune amie qu'il va lui falloir de l'aide. Connais-tu quelqu'un qui pourrait la guérir ? Dans ton village y a-t-il un guérisseur ?
L'archère ne comprenait pas vraiment la situation. Elle s'approcha de la jeune fille dont les cheveux étaient, à présent, aussi blancs que la robe de la licorne .
- De quoi souffre-t-elle ? Ses cheveux...
- On perdu leur couleur, coupa la licorne d'un ton triste et grave. Elle reprit, elle souffre d'une extrême fatigue et nous ne pouvons pas attendre qu'elle dorme suffisamment pour se remettre en chemin. Nous devons partir vers la côte au plus vite. "Le marin" et la "prêtresse", de la prophétie, sont déjà réunis.
Luciléa réfléchit. Il y avait bien aux bords du village, une vieille dame, dont on ne connaissait pas l'âge qui avait un pouvoir de guérison. On ne l'approchait guère, car sa tenue vestimentaire tenait à distance beaucoup de villageois. Elle était plus crainte que respectée. Elle portait autour du cou un collier d'os blanchis ; certains soutenaient qu'ils étaient humains d'autres qu'il s'agissait d'animaux maléfiques. La jeune fille l'avait déjà observée à son insu lorsqu'elle était seule dans la forêt. Elle avait même songé une fois, lui demandait de l'aide, mais avait fini par y renoncer faute de courage ou de superstition.
Elle informa donc Mériade de la présence de la vieille dame qui était parfois venue en aide aux villageois contre nourriture et bois coupé. Elle ne savait pas si elle était capable d'aider Serinoe, elle ne connaissait pas ses pouvoirs.
Il fallait trouver un moyen de transporter Serinoe et il n'y avait qu'une seule façon de faire, une litière qu'elle accrocherait à son cheval. Elle se mit donc à couper du bois et en fit un plateau. Elle y déposa de la mousse pour faire une sorte de matelas qu'elle couvrit d'une toile. Deux branches plus longues sur les côtés formeraient l'attelage. Cela lui prit la journée.
La licorne était restée coucher près de Serinoe pour lui tenir chaud. Luciléa était épuisée.
- Nous pouvons nous mettre en chemin déclara-t-elle.
- Nous allons passer la nuit ici, petite. Il te faut reprendre des forces. As-tu pensé à te nourrir un peu?
- Je vais chasser avec mon fauc... Elle s'interrompit. Je vais aller cueillir quelques baies que j'ai repérées tout à l'heure et poser un piège ou deux, avec un peu de chance, nous aurons un lièvre pour demain.
- Tu pourras faire du feu en chemin, mais pas ici. Il te suffira de te coucher contre mon autre flanc pour avoir bien chaud. Je veillerai, j'ai l'ouie fine.
Luciléa ne discuta pas. Elle fut contente de s'endormir en ressentant la douce chaleur de l'animal.
Juste avant l'aube, elle fut tirer de sommeil par le museau de Mériade. Aussitôt, elle ressentit le danger.
- Que ce passe-t-il?
- Les arbres se replient, la magie n'agit plus. Il faut partir et vite!
Luciléa installa l'attelage et coucha Serinoe en l'enveloppant dans sa couverture et l'attacha avec la corde qu'elle emportait toujours avec elle. Ainsi, elle ne risquait pas de verser. Beaucoup de choses échappaient à la jeune fille, elle n'y entendait rien en matière de magie et faisait donc confiance à la licorne.
Il y avait au moins une journée de marche pour arriver à la cabane d'Och, c'est ainsi que l'appelait les villageois. En chemin, elle releva les pièges, un lièvre s'était fait prendre et elle savait que question nourriture la vieille dame préférait les petits animaux, car on racontait qu'elle broyait les petits os en poudre fine et les ajoutait à toutes ses potions.
Au pied de la pente, elles avancèrent d'un bon pas, espérant qu'il n'y avait rien à craindre venant du ciel. Mériade lui expliqua que la magie de la jeune Serinoe avait sans doute cédée durant la nuit et que les arbres n'étaient plus "mobiles". L'archère avait haussé les sourcils et les épaules d'un signe d'incompréhension. Elle ne se sentait pas à l'aise dans cette histoire. Ses sens en éveil, elle avait très vite pris le parti de faire confiance à ce qu'elle connaissait : son instinct et ses flèches.
Tout le long du chemin, elle scrutait la forêt d'un œil expert. Écoutant les oiseaux, le bruit du vent, les bruissements sur les feuilles que faisaient la litière accrochée à son cheval. Elle avançait prudemment afin de ne pas trop secouer la jeune fille qui dormait toujours.
Après une pause rapide pour un repas frugal, elle avait le sentiment d'être suivie. Elle avait repéré une ombre, plus qu'une forme humaine ou animal, courant d'arbre en arbre afin de pas se montrer. Elle en parla à la licorne et lui conseilla de faire mine de continuer le chemin comme si de rien n'était. Pendant toute une partie de l'après-midi, ils avancèrent donc de concert, le petit groupe sur le chemin et l'ombre qui courrait à travers bois.
La clairière était en vue à la tombée de la nuit et l'ombre s'arrêta pour disparaître tout à fait. Luciléa sur ses gardes, se demandait si la lumière manquait pour apercevoir l'ombre ou bien si vraiment elle était partie. La petite cabane d'Och était là avec son toit herbu, on apercevait de la fumée s'échapper de la cheminée.
- Nous y voilà! annonça l'archère.
- Qui va là? dit une voix tremblotante.
- Luciléa archère du roi et Mériade la licorne cria la jeune fille.
- Passez votre chemin ou dites moi ce que vous venez faire chez moi? la vieille dame commençait à s'énerver puis se ravisa en ajoutant : bigre c'est une licorne qui est avec toi!!
- Oui! nous avons une blessée dit Luciléa en descendant de cheval. Elle attrapa le lièvre et le brandit en le soulevant par les pattes arrière, nous avons apporté le dîner.
- Du lièvre? hum! Il m'en manquait justement, pour finir ma potion. Entrez, couchez votre jeune amie sur le lit et réchauffez-vous. Nous allons bavarder le temps que cette bestiole rôtisse!
Luciléa regarda la licorne qui allait rester dehors.
- Va sans crainte, je veille et il me semble que la cabane est sous protection.
Elles disparurent à l'intérieur.
- Racontes-moi! Tu voyages avec une licorne c'est peu commun. Dis-moi tout et j'aiderai ton amie, après un bon dîner.
Assise près de la cheminée Luciléa raconta ce qui lui paraissait autorisé et omis certains détails magiques. La vieille dame au visage buriné par le vent et l'âge écouta sans l'interrompre, tout en préparant le repas, le seul bruit qu'elle émettait, était un cliquetis d'os qui s'entrechoquaient chaque fois qu'elle bougeait la tête.
La soirée fut longue avec tout ce qu'avait sur le cœur Luciléa et après l'avoir écoutée sans presque l'interrompre sauf quelques questions anodines, Aoulguie décida qu'il était temps de parler un peu avec la licorne et laissa seule la jeune fille lui souhaitant une bonne nuit, tant elle avait l'air fatigué.
Dernière édition : Frodea an 250 AUC
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Chapitre 10
Aéyédine
Aoulguie s'approcha de la licorne et déclara :
- Si tu veux accélérer le réveil de la jeune Serinoë, il va me falloir un peu de poudres de ta corne. Puis-je la limer un peu ?
Mériade resta silencieuse quelques instants, jaugea du regard la vieille dame qui, avec ses vêtements de peaux de bête, son collier fait de petits os, avait l'air d'une veille sotte, ayant perdu la tête, plutôt que d'une guérisseuse.
- Que vas-tu faire avec la poudre de licorne ?
- Tu le sais très bien licorne. Qui a pratiqué la transformation ? Elle sait ?
- Non, et ne va pas lui dire!! S'écria Mériade. Qui es-tu donc vieille femme ?
- Où est sa mère ?
- Morte en lui donnant naissance.
- Hum ! La candidate idéale. Je sais plus de choses que tu ne peux l'imaginer. Je ne vois que deux sorciers capables de le faire : le Maître de l'Ombre, mais il me semble qu'il est à votre poursuite, et Kentnys, le vieux brigand !
La licorne fit mine de ne rien comprendre. Voyant son obstination à se taire, Aoulguie n'eut pas le choix. La métamorphose se produisit, dans la lueur pâle de la lune, le visage ridé devint lisse, le dos courbé s'étira, la chevelure grise prit une couleur brune. Aoulguie la vieille guérisseuse était de nouveau l'altière magicienne Aéyédine. Un véritable enchantement !
La licorne s'était reculée de plusieurs pas, elle s'approcha de nouveau de la jeune femme à petits pas et baissa la tête comme pour lui toucher les pieds.
- Oh ! Vénérable Aéyédine, tu es en vie ? Nous te pensions perdue.
- C'est une longue histoire et c'est ce que je désirai. Me croire perdue m'a rendu un fier service.
Aéyédine voulut savoir pourquoi une telle décision avait été prise et elle attendait de la licorne une franchise sans détour. Mériade lui parla de la prophétie et du Rassemblement. Trois jeunes filles en plus de Sérinoë allaient devoir quitter cette terre afin d'en conquérir une autre pour y établir un Renouveau. Profitant du sommeil de Kentnys , le maître de l'Ombre avait brisé l'équilibre des magies, qui régnait depuis des temps ancestraux, afin d'assouvir une soif de pouvoir qui lui enlevait tout discernement. Il avait transformé plus de la moitié du territoire en un cloaque où vivaient des bêtes immondes et meurtrières. A son reveil, Kentnys n'était pas parvenu à rétablir l'équilibre suffisamment vite. Alors, il était venu voir le troupeau et leur avait donner les directives à suivre pour qu'au moins leur race soit sauvée. Les licornes devaient survivre, c'était impératif.
- Le brigand veut surtout sauver sa peau, commenta la magicienne. Il sacrifie trois jeunes filles. D'où vient cette prophétie à ton avis ?
- Il te croyait perdu lui aussi!
- Ah! La belle histoire. Comment crois-tu que je sois devenu Aoulguie? Il faut être deux pour réussir une transformation. Tu devines qui m'a aidé? Que cherche l'Ancien?
Soudain, comme si un insecte l'avait piquée, Aéyédine tourna en rond levant les bras au ciel et vociféra :
- Comment avez-vous pu céder à ce caprice de vieux fou ?
- Je te le répète Mère Aéyédine, nous te croyions perdue. Mériade gardait la tête baissée.
- Arrête avec ça ! Dit-elle d'un ton cinglant en apercevant Luciléa.
Luciléa se tenait sur le pas de la porte :
- Que se passe-t-il ici ? Pourquoi ces cris ? Où est Aoulguie ? Qu'en avez-vous fait ?
- La petite a du cran. C'est très intéressant, minauda Aéyédine.
Elle se planta devant Luciléa et lui demanda depuis combien de temps elle était là à espionner.
- Je n'espionnais personne. Les cris m'ont réveillée et j'ai cru un instant que nous étions attaquées. Mais qui êtes-vous à la fin ?
- Je suis Aéyédine.
- Aéyédine la Mère des forêts et des prairies, la protectrice des licornes ? La jeune fille s'inclina, pardon Mère Aéyédine ! Elle se releva et demanda prudemment :
- Où est Aoulguie ?
Aéyédine se retourna et lui lança comme une gifle :
- Aoulguie, c'était moi ! Obstinée avec ça, dit-elle en lui posant un doigt sur le menton.
Luciléa ne comprenait plus rien et chercha du regard l'approbation de Mériade, lorsqu'un hurlement se fit entendre.
Mériade eut l'air terrifié :
- Des loups ! Cria-t-elle, ce sont eux qui ont décimé notre troupeau.
Bien sûr les loups, pensa Aéyédine, le Maître de l'Ombre se servait des loups, il les avait lancés à leur poursuite. Luciléa savait ce que cela voulait dire, le danger se rapprocherait un peu plus chaque jour, la traque pouvait durer des jours et les loups ne lâcheraient pas prise.
Aéyédine commençait à se calmer.
- Nous avons un problème de taille. En reprenant ma forme de magicienne, le Maître de l'Ombre m'a sûrement localisée. Il vaut mieux organiser notre départ. Nous devons nous occuper de Serinoë qui nous sera de toute façon très utile. Depuis combien de temps est-elle dans cet état ?
- Depuis deux jours, nous avons été poursuivies par des oiseaux de l'Ombre. C'est Luciléa qui nous a sauvées. Sérinoë a tenter de nous protéger avec une cape de brouillard mais elle ne le maitrise pas encore, puis elle a lancé un charme sur la forêt, les arbres lui ont obéi. Elle s'est hélas écroulée dès notre arrivée à l'abri. Le charme prenant fin, Luciléa nous a parlé de la cabane d'Och et nous sommes venues vers toi, expliqua la licorne avec révérence.
- Hum ! Allons-y, approche licorne, tu ne sentiras rien et elle va repousser ta fichue corne.
Aéyédine lima la corne de licorne. Elle ajouta une potion à la poudre recueillie, qu'elle donna à Serinoë. Quelques minutes plus tard, la jeune fille se réveilla.
- Où suis-je ?
- Chez une amie, la rassura Luciléa, mais nous allons devoir partir bientôt. Dors encore un peu.
La jeune fille sombra de nouveau dans le sommeil.
À l'aube, la troupe se remit en route, mais avec une invitée de taille : Aéyédine avait décidé de les accompagner jusqu'au point de rassemblement. Elle avait en chemin des choses à apprendre concernant les pouvoirs de la jeune Serinoë et surtout elle avait hâte d'avoir une petite conversation avec Kentnys qui avait pris des libertés à la limite de ses droits et devoirs de sorcier. Elle était la seule Gardienne du troupeau. Puis il y avait les loups, Aéyédine pourrait les tenir à distance pendant un moment, si elles voulaient toutes avoir une chance de survivre à ces monstres immondes.
Elle était très en colère d'avoir perdu sa couverture d'Aoulguie, elle avait quitté le monde de la magie lasse et déçue et elle ne se doutait pas qu'elle allait devoir le retrouver aussi tôt. La petite colonne avançait en silence lorsqu'elles entendirent une explosion et en se retournant aperçurent de la fumée à l'emplacement de la cabane d'Och.
Un avertissement du Maître de l'Ombre.
Dernière édition : Vertumna an 252 AUC
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Chapitre 11
Andror
De l'autre côté de la forêt et des montagnes du Nord, au delà des plaines de la « désolation », Sheallyne et Heliana faisaient connaissance.
Sheallyne reconnaissait être totalement perdue. Si elle s'était engagée dans cette quête, il y avait de sa part plus de curiosités que d'engagement. Pour Heliana, les choses étaient bien différentes, c'était un devoir, c'était son destin.
Elles s'installèrent sur le trois-mâts de Sheallyne. Maître à bord, elle décida de congédier les deux fidèles marins qui l'avaient accompagnée. Il y avait bien trop longtemps qu'ils étaient loin de leur famille. Une occasion de rentrer chez eux sur un autre bateau se présenta bientôt et le départ aurait lieu dans quelques jours.
Durant de longues soirées, elles mirent en commun leur savoir, pour Sheallyne hormis le vieux parchemin, elle n'avait que peu de choses à offrir. Heliana par contre raconta sa formation et son don de divination, mais resta très vague quant à sa rencontre avec Kentnys. Elle gardait ces instants pour elle, sentant que cela devait être ainsi.
Sheallyne avait rapidement compris sont rôle, elle devait être le « marin » qui allait conduire les élues sur une terre inconnue, même si elle ne savait pas pourquoi elle avait été choisie. Elle se mit donc en quête de préparer le voyage, c'était une chose qu'elle savait faire, et même très bien. Calculer les quantités d'eau potable et les vivres pour un long voyage était tout à fait dans ses cordes.
Elles avaient souvent la visite de Gil qui adorait courir sur le pont et jouer de son épée de bois contre des pirates imaginaires. Il adorait être là et harcelait les jeunes filles de questions, surtout sur la navigation.
Les nuits étaient particulièrement agitées. Au début Sheallyne entendit Heliana parler dans son sommeil, mais n'y prêta pas trop attention, car les mots prononcés étaient incompréhensibles. Très vite, ce fut différent. Tirée de son sommeil par des cris, elle se dirigea vers le lit d'Heliana et trouva la jeune fille en proie à un horrible cauchemar à en croire les grimaces et les gesticulations en tous sens de la prêtresse, surtout le mouvement de sa tête allant de gauche à droite avec frénésie.
Elle essuya la sueur qui perlait sur le front de la jeune fille et prononça doucement son nom :
- Heliana, dit-elle doucement. Tu fais un cauchemar ?
- Sheallyne ! cria la jeune prêtresse. Sheallyne ! Elles sont en danger va à leur rencontre, va fait vite !
- Heliana réveille-toi, je t'en prie. Que me dis-tu ?
- Sheallyne ! Il faut m'obéir ! Maman ! hurla-t-elle.
- Heliana réveille-toi! Sheallyne la secoua un peu.
La jeune prêtresse se réveilla.
- Que se passe-t-il ? Un problème ?
- Tu ne te souviens de rien ? Tu as fait un cauchemar.
La jeune Sheallyne raconta ce qu'elle avait entendu et lui demanda si cela avait un sens pour elle. Les rêves divinatoires ne se révélaient pas toujours à Heliana, mais parfois, elle se souvenait de bribes. Sans doute, le cauchemar l'attendrait une prochaine nuit et peut-être sans souviendrait-elle.
Plusieurs nuits de suite, il en fut de même et chaque fois ce hurlement terrible « Maman ! »
Une nuit plus sombre encore que les autres, le cauchemar recommença. Cette fois, elle « vit ». « Heliana courait à perdre haleine vers son amie Sheallyne et elle lui ordonnait de partir, de mettre toutes voiles vers le Nord.
Puis il y avait les flammes bleues qui embrasaient le sanctuaire et sa mère qui en sortait avec la robe en feu. Andror, son père adoptif, se battait contre une espèce de monstre aux yeux jaunes mi loup, mi ours, à la fourrure noire comme la nuit. Des oiseaux survolaient le sanctuaire et lâchaient des espèces de torches en flammes sur le toit. Il faisait nuit noire, une chape d'ombre entourait les lieux.
Evalina se roulait dans la poussière pour éteindre la robe. Heliana tentait de lui venir en aide, mais elle était pétrifiée, ni ses jambes, ni ses bras ne pouvaient bouger. Elle était paralysée et elle devait assister au spectacle horrible sans pouvoir ne rien faire sinon hurler : « Maman : ! ».
À ce moment précis, elle se réveilla. Comme chaque fois, son amie Sheallyne était à son chevet. Elle se mit à pleurer et raconta son rêve par le détail.
- C'est horrible ! Comment interprètes-tu cela, tu penses que tu vois l'avenir ?
- Je ne sais pas. Parfois, les divinations doivent être interprétées. Par contre, je sais une chose le monstre fait partie du bestiaire du Maître de l'Ombre, ma mère me l'a enseigné.
- Que vas-tu faire?
- Je ne sais pas. Il faudrait que j'aille voir l'état du sanctuaire et si les autres arrivent entre-temps nous allons prendre du retard.
- Te conseiller m'est très difficile. Je te fais confiance et tu es la seule à pouvoir prendre la décision.
- Pour le moment dormons un peu, le cauchemar ne devrait pas revenir cette nuit.
Sheallyne regagna son lit, l'esprit troublé, mais finit par s'endormir. Heliana ne ferma pas l’œil jusqu'à l'aube.
Au petit matin, c'est Gil qui les réveilla en criant à tue-tête:
- Heliana, Heliana ta maman est là!
Elles descendirent sur le quai et virent Evalina enveloppée dans une couverture, semblant transie de froid.
- Mon enfant, tu vas bien ?
- Oui, mère ! Heliana la fit monter à bord et l'installa dans la cabine.
- Bonjour, c'est donc vous Sheallyne, elle lui adressa un sourire que la jeune fille lui rendit.
- Mère que faites-vous ici ?
- J'ai quitté le sanctuaire, car j'étais habitée par d'affreux cauchemars. Ma tête me tournait tant j'étais fatiguée. Andror semblait inquiet lui aussi, mais tu le connais, il a décidé de rester.
"Je me suis réfugiée dans la nature, dans la forêt près de l'arbre du Savoir. Ton père tenait à rester pour garder les lieux. Chaque matin, je revenais faire les offrandes et les prières et un matin, je suis arrivée trop tard, elle refoula des sanglots.
"Le sanctuaire était en feu, comme dans mes pires cauchemars, ton père, mon époux ...gisait sur le sol avec des blessures atroces ainsi que l'affreux monstre que je voyais chaque nuit se battre contre lui.
Elle osait à peine regarder les jeunes filles.
"Je ne savais que faire et j'ai pensé à toi Heliana, je pensais que tu devais être morte de peur. J'étais presque sûr que tu faisais les mêmes cauchemars que moi.
- Mère, dit-elle en sanglotant. Dans les miens, tu étais emportée par les flammes.
Les larmes coulaient et elles ne pouvaient plus les retenir.
- Oh ! Mère !
Elles se jetèrent dans les bras l'une de l'autre et Sheallyne sortit sur le pont. Gil était assis sur le petit escalier, il ne jouait pas comme à son habitude, il avait l'air triste.
- Heliana pleure ?
- Oui.
Sheallyne n'ajouta rien et resta assise près de Gil en le tenant par l'épaule.