Nevea 318

Égasse
Elle était épuisée et affamée. La traversée de ce marais avait été éprouvante. Un air moins vicié les poussait vers le nord. Cela faisait des jours que Dreolìn et elle fuyaient. Le frêle Roitelet des Buissons venait parfois se reposer sur ses épaules lorsque le chemin le permettait. La nuit ils se blottissaient tous les deux entre les racines d'un arbre ou au fond d'un terrier abandonné.
Égasse la Fouine était végétarienne. Le petit Roitelet, son ami, n'avait rien à craindre. Mais ces marais n'avaient guère de quoi satisfaire son appétit. Dreolìn était plus chanceux. Les insectes pullulaient.
L'air était de plus en plus frais et les remugles des eaux saumâtres s'estompait. Égasse vit une éclaircie et prit sa direction suivie de Dreolìn. Au loin, au sortir des Marais Salants de Lagonie les cimes d'une forêt protectrice surgissaient.

Dreolìn
Malgré le festin de moustiques il n'était pas mécontent de quitter ce marécage.
La vue de la forêt et des buissons lui redonna courage et il battit du plus fort qu'il put ses fragiles ailes.
Ils avaient une lande déserte devant eux. Ou plutôt entre eux et la forêt. La lune cette nuit se jouait des nuages et jetait des ombres terrifiantes autour d'eux. Que de mauvais souvenirs remontaient à sa mémoire.
Dreolìn avait connu Égasse lors de l'affaire des 3L. A l'issue de celle-ci, ils décidèrent de parcourir le monde. Voir si les humains avaient meilleur visage ailleurs. Ils voyagèrent ainsi de hameaux en bosquets pour arriver jusqu'à une mer. De là ils montèrent clandestinement dans un beau bâtiment flottant jusqu'à cette nuit d'orage. Ensuite. Un trou noir.
Égasse
La Fouine accélérait du plus qu'elle pouvait. De temps en temps elle relevait la tête pour évaluer la distance restante et pointait parfois son museau vers l'arrière. Elle ne sentait rien d'autre que la puanteur du marais. Elle se faufilait entre les bruyères tandis que Dreolìn les frôlait.
Elle se remémora les derniers jours. Lorsqu'elle s'éveilla sur une semi plage, Dreolìn dans sa gueule. Elle n'avait pas compris tout de suite. Puis cela revint. Elle avait entendu les marins dire que la tempête les jetait sur des rochers. Sans réfléchir, Égasse, au premier bruit de craquements lugubres, prit Dreolìn dans sa gueule et sauta par dessus bord. Qui dit rochers, dit en général, côte pas loin. Pari gagné. Mais où étaient-ils ?
Le Monstre
Rrrrhhh. La faim le tenaillait. Son ventre le faisait souffrir. Il était trempé et couvert de bosses et d'ecchymoses. Une douleur sourde irradiait de sa jambe. Le sel avait cautérisé la plaie. L'os n'avait pas l'air touché heureusement. Il essaya de se relever. Peine perdue. Il sombra dans un semi coma.
Un tremblement de terre le sortit de son cauchemar. Les gargouillis de son estomac résonnèrent dans tout son corps. Il jeta un œil vers sa jambe. La testa et partit silencieusement en chasse.
Devant lui s'étendait un désert d'herbes rases entrecoupé de petites dunes. Derrière, la mer qui l'avait rejeté. Il avançait sans faire de bruit au milieu des salicornes. Au loin un héron cendré prit son envol. Entre deux branches de fenouil il aperçut une silhouette.