Le Territoire de Kiponie

Bibitricotin, fusilla sa fille du regard, elle tenait bien de son père! Les Gardiens finirent par parvenir à la faire sortir, mais Bibitricotin se dit qu'effectivement sa fille n'avait pas tort... Pourquoi Grmarf avait-il l'assistance du Procureur, alors que Memen n'était pas tenu d'avoir un avocat?

L'audience reprit son cours normal. Memen s'adressant à elle, Bibitricotin se leva.

- A quelle question dois-je répondre, votre Honneur? Monsieur Memen en a posé deux...

Soupeaulait ne prêta guère attention aux dernières paroles prononcées par la fille de la Gardienne au moment de son départ de sous la Tente.

Il reporta son attention sur le témoin, se demandant pourquoi elle prenait un malin plaisir à jouer les idiotes, alors qu'elle n'était en rien partie prenante dans cette affaire, hormis son rôle d'experte.
Il nota qu'il faudrait poser la question au Grand Juge. La Gardienne avait peut être eu des démêlés avec la Justice et peut être en gardait-elle une certaine rancune.

Allons bon, à quelle question doit-elle répondre ? Décidément....

"Mais au deux Madame le témoin, au deux. Et pour être le plus clair possible, répondez d'abord à la première, puis à la seconde. Ne soyons pas trop innovants, ne faisons pas de fantaisies. D'autant qu'il n'aura pas échappé à la spécialiste que vous êtes que les questions posées par l'accusé sont des questions fermées. Un oui, ou un non, suffiront amplement à y répondre.

La parole est à vous Dame Tricotin."

Décidément, Bibitricotin avait l'impression que le Juge Soupeaulait la prenait de haut...

* Le pouvoir lui serait-il monté à la tête, à lui aussi? * se demandait-elle.

- Pardonnez-moi, Monsieur le Juge, mais il m'avait semblé que vous n'étiez pas d'accord sur le fait que Monsieur Memen pose deux questions, lorsque vous lui avez demandé de ne s'en tenir qu'aux faits évoqués... je vais donc y répondre le plus directement possible.

* Un "oui" ou un "non", mais ne sait-il pas à qui il parle? * se disait-elle, car rarement elle était aussi laconique. Et puis, on ne pouvait répondre à la première question par un simple "oui" ou "non". Les cas de figure pouvaient être nombreux.

En ce qui concerne la première question de Monsieur Memen au sujet de la justification des sources d'un journaliste, la réponse est... oui, et non. En fait ceci doit être à l'appréciation du journaliste lui-même. S'il désire taire ses sources tant qu'il reste dans la conformité de l'article 2 de la Charte du Journaliste, qui est que... Bibitricotin sortit son exemplaire de la Charte qu'elle portait toujours sur elle pour le faire lire aux jeunes journalistes qu'elle pouvait rencontrer, et se mit à lire.

"L'information délivrée doit toujours pouvoir être vérifiée", il n'est pas précisé que cela doit être vérifié dans l'article du journaliste, mais que cela doit juste être possible d'en vérifier la véracité, ponctua-t-elle avant de reprendre ce que disait l'article 2, "à moins qu'elle ne soit destinée à faire mourir de rire les lecteurs"... je ne pense pas que ce soit le cas dans cette affaire... "qu'il ne s'agisse de ouï-dire ou de légendes kiponaises"... Ah! Là, nous avons le "ouï-dire", ce qui est il me semble ce que Monsieur Memen a dit... "que le rédacteur l'ait demandé", alors là, vous m'excuserez Monsieur le Juge, mais je n'ai jamais compris ce que cette indication venait faire dans la Charte du Journaliste! Une lubie de notre regretté Jeje555 il me semble, validée par le Parlement de l'époque...

J'espère avoir répondu à votre première question Monsieur Memen, dit-elle en se tournant vers l'accusé-défenseur.

La réponse à votre deuxième question, sera plus courte, je vous le promets, ajouta-t-elle avec un petit regard malicieux, à peine perceptible, à l'adresse du Juge Soupeaulait. Donc, à propos des citations de propos, comme vous l'avez souligné, la Charte ne considère que les écrits comme plagiat, et non les paroles qui, par ailleurs ne sont pas interdites de citation.

J'en ai terminé Monsieur le Juge, annonça Bibitricotin.

Soupeaulait avait écouté attentivement l'exposé de Dame Tricotin. Son regard perçant, souvenir de son ancienne apparence de naufragé fraichement débarqué, n'avait pas manqué de discerner une pointe d'amusement dans les yeux du témoin à la fin de sa prestation.
Il fallait le reconnaitre, elle avait été au delà de la demande du Juge en développant un peu plus que demandé sa réponse. Elle avait d'ailleurs bien fait, la Justice ne souffrant pas les à-peu près, ses déclarations avaient permis d'éclaircir la situation et d'apporter les arguments nécessaires à la poursuite de ce procès.

Il se tourna vers le témoin et, appuyant ses paroles d'un regard de satisfaction, lui dit :
"Dame Tricotin, je vous remercie pour la clarté et la concision de votre témoignage. Nous disposons maintenant de tous les éléments nous permettant d'apprécier à sa juste valeur la première partie de la plainte déposée par le Sieur Grmarf.
Si les parties en présence sont d'accord, je propose que nous vous libérions et que nous poursuivions ces débats."

Puis il s'adressa aux autres protagonistes de l'affaire.
"Mme le Procureur, M. l'accusé, pouvons nous accorder congé à Dame Tricotin ? Et pouvons nous poursuivre le déroulement de ce procès ?"

Lundi regardait le juge Soupeaulait avant de répondre, comme celui ci venait de recevoir un pigeon. Il lui fit un signe de la main, pour qu'elle s'approche. Lundi étant informée de la nouvelle, elle se chargea de l'annoncer aux personnes présentes.

Le juge Soupeaulait et moi même étant appelée en d'autres lieux pour une affaire urgente, c'est le Grand Juge Garion qui va se charger de ce procès. Gmarf, comme il l'a déjà fort bien fait, continuera de s'exprimer seul sur sa plainte et pour toute demande de preuve pourra en référer au Grand Juge. Merci de m'avoir écouté. Bonne continuation

Lundi quitta donc la tente rapidement.

memen s'était un peu assoupi. Il se réveilla, néanmoins, lorsque le Juge Garion lui avait adressé la parole.

Non votre honneur, je n'ai plus de questions à poser à Dame Bibitricotin.

Entendant qu'on lui parlait d'un peu partout, grmarf semblait desempare.

Hein ... ? Quoi ? Qu'entendant je ?

Entendant un rire dans l'assistance, grmarf se tourna vers les importuns et les foudroya du regard.

Le prochain qui se marre de mes fautes de kiponnais, je le mange sans cuisson prealable.


Bon, alors, votre Grossitude, oui, j'ai effectivement un second et meme un troisieme point a developper pour que ma plainte soit totalement argumentee. Mais pendant que vous enregistriez minutieusement ma premiere demonstration magistrale de la culpabilite de l'Accuse-futur-coupable (comment pourrait il en etre autrement apres un argumentaire aussi precis, clair detaille que celui que je vous ai fait ?), j'ai appris coup sur coup 2 tres mauvaises nouvelles ainsi qu'une farandole d'autres nouvelles de toutes natures.

Je me permet de revenir sur ces 2 mauvaises nouvelles.

Votre collegue tout d'abord, le Juge Soupeaulait, appele ailleurs d'apres les propos tenus ici meme par la Juge Lundi. Permetez moi de m'inquieter de ce desistement, la procedure actuellement lancee ici sortant des "sentiers battus", les contraintes liees au barbecue non prevu realise a l'aide de vos augustes et vieux batiments nous ont pousse a les accepter. Mais perdre le Juge en cours de proces, dites ... quelles sont les garanties exactes que ce proces ne devienne pas une parodie de lutte dans l'ombre entre Juges, Accuses et je ne sais qui d'autres ?

Voyant ainsi "rappelle" le Juge qui menait ce proces, il est aise de voir par cette action une tentative d'empecher la Justice de faire toute lumiere sur les actes reproches a l'Accuse.

Je note que le temoin a semble tres distant dans ses propos, peut etre ce temoin a t il fait pression d'une maniere non visible ici pour demander la tete de ce Juge ?

Bref, c'est le flou le plus complet en ce qui concerne ce proces.

Pourriez vous prendre l'engagement que ce proces ne s'est pas transforme en farce ? Pourriez vous signifier que les clauses entendues et acceptees en debut de proces ont toujours cours ?

J'en arrive a la seconde mauvaise nouvelle : la perte de mon Procureur. Et oui, n'ayant, malgre certaines legendes urbaines, des yeux partout, je ne peux fournir une piece qu'a "trouve" le Procureur, suite a une de mes demande. Je ne peux, je n'ai pas, et je n'aurais jamais moyen d'obtenir cette piece. Pourriez vous fournir, vous meme, Votre Grossitude, cette piece ?

Il s'agit ni plus ni moins que de la trace de la remuneration recue en echange de la redaction du texte qui nous amene ici.



D'autres nouvelles, disais je juste apres avoir ete interrompu par des importuns. Des tas d'autres nouvelles. Notement, une qui risque de demolir tout le second point de mon argumentation ou, au contraire, la conforter, sans meme que j'ai besoin d'argumenter : une modification du 7e article des Principes Instanteliciens semble etre a l'ordre du jour. Une vague idee dans l'air du temps dirais je. Je ne sais pas si cela demolirai ou non mon argumentaire, car Lazul reste Lazul : la bouffe y est ... heu ..., les chemins pourris et boueux, et les communications avec la civilisation assez rares voir quasi miraculeuses, tant elles sont rares.

Donc, avant de vous detailler en 3000 mots un argumentaire, puis je etre assure que nous parlions bien du meme texte et que le texte pris en compte lors des conclusions de ce proces seront les meme ? Je me vois mal accuser qui que ce soit d'un fait qui ne serait soudainement plus reprehensible.

Se tournant vers le public.

Vous marrez pas, cela m'est deja arrive par le passe. Pas moins de 5 Accuses sont passes entre les mailles de l'Aveugle Justice. Aveugle doublement, car en plus de laisser echapper de vrais coupables au regard de la Loi lors du depot de plainte, elle s'est retrouvee a prendre en consideration ma plainte apres le changement de Loi ... a croire que la Justice ne m'avait pas vu.

Un huissier s'approcha de grmarf a ce moment la. Il fit mine de vouloir lui parler discretement a l'oreille. Essayez donc de parler discretement tout en etant muet ... il transmis un papier a grmarf. Discretement.

Grmarf en pris connaissance


Bon, une fois ces quelques questions legitimes clairement etablies, afin que nous soyons tous sur, temoins-spectateurs y compris, que nous possedions la meme version des Loi et que les details rugeux seront aplanis, je vous assomerais l'Accuse sous le poids de mes mots.

J'ajoute, puisque je vous tiens, que vous m'avez fait mander juste a cote, Votre Grossitude. Bon, vu que le tissu n'est pas tres epais, je sollicite l'autorisation de hurler la defense de mon client depuis cette tente. De meme, si vous pouviez crier un peu depuis cette seconde tente, cela m'eviterais de tendre l'oreille.

C'est que j'ai depasse le kiposiecle Votre Grossitude. Elphyr peut temoigner des difficultes rencontrees par les plus de 100 kipo ans a se deplacer. Tenez, les derniers kipo mois, je me suis retrouve bloque a cause de ma sante. J'ai un Edile et un ancien Juge qui pourront temoigner en ce sens.

Bibitricotin commençait à avoir les pieds gelés à force d'attendre entre les deux tentes, aussi se leva-t-elle, et d'un pas décidé entra dans la tente où avait lieu le procès de Grmarf contre Memen, où officiait le Grand Juge. Elle arriva au moment où ce dernier donnait la parole au Géant aux pépites, et déclara avant que Grmarf n'ait pu ouvrir la bouche :

- Monsieur le Grand Juge, j'abandonne les poursuites contre les pilleurs du marché d'Islandsis! De toute façon je me suis endormie et le dossier a glissé de mes genoux pour tomber dans une flaque d'eau boueuse! Un troupeau de marcassins qui passait par là a tout dévoré! Je n'ai plus aucune preuve des actes criminels de ceux qui ont vidé le marché d'Islandsis! Satanés cochons sauvages! Ah! Si les étals du marché n'avaient pas été vidés je leur aurais bien lancé quelques compotes! s'écria bibitricotin en quittant la tente, tout en maugréant et pestant contre cette injustice et en ne laissant pas le temps au Grand Juge de la rappeler à l'ordre.