Arviloy

[Arviloy]

Bonjour tout le monde, je m'appelle Arviloy. Arviloy de Xhamedeh si vous voulez mon nom complet.
Mais ne vous inquiétez pas pour la particule, elle ne fait pas de moi un noble, loin de là ! En fait, je ne me connais pas d'autre patronyme et c'est seulement le nom du petit village qui m'a vu naître. Presque dans un autre monde me semble-t-il aujourd'hui puisque je ne pense pas pouvoir quitter un jour le lieu de mon naufrage pour y retourner ! Mais comme je n'y ai plus aucune attache, cela n'a pas grande importance en vérité.
En ce qui me concerne, je suis un type plutôt ordinaire, peut-être pas trop malin mais pas idiot non plus.
Bien que la chance ne soit pas spécialement mon amie, j'ai survécu au naufrage du navire sur lequel j'avais pris passage vers un nouvel avenir, pour me retrouver à Islandis. (et il faut vraiment que cette garce ait une dent contre moi, pour m'avoir rejeté sur une île si loin du continent après m'avoir sauvé la vie) Ce n'est pas du tout l'avenir auquel j'avais pensé en embarquant, mais pourquoi pas ! Je suis bien décidé à relever mes manches et à faire fortune. D'ailleurs, je me suis déjà bien mis à la tâche puisque voilà déjà tout un Kipo-an que je suis en votre compagnie !

[Arviloy]

J'étais en train de rêvasser et sursautai à l'apostrophe de l'homme. L'aider ? Je n'y voyais pas d'inconvénient à première vue... mais... était-ce un emploi que l'on me proposait-là ? ou bien me demandait-on une aide gratuite ? Je dévisageai brièvement l'individu qui m'avait surpris dans mes pensées. Il avait bonne mine, ma foi, alors autant me montrer poli et serviable si je voulais être bien accueilli sur ce bout de terre perdue ! Et puis, il tenait une auberge ?... Cela me vaudrait bien pour le moins une belle chope de bière pour récompense !... du moins je l'espérais !

- Bonjour Monsieur. Vous me semblez bien chargé, en effet. Allez-y soulagez-vous de quelques paniers, si cela peut vous être de quelque service. Je suis désoccupé pour l'instant !

[Arviloy]

Décidément mon bon cœur me perdra. Ça pesait bien le poids d’un âne mort ce barda ! En plus, il ne s’était vraiment pas gêné le vieux et s’était déchargé sans complexe sur moi de tout son fatras, ne conservant quant à lui que la charge d’un petit coffret à serrure. Sans doute son magot qu’il n’allait certes pas confier un vagabond comme moi ! Si encore il avait pu se taire ! Mais non, soufflant et ahanant sous la charge, j’étais de plus bien obligé de subir son discours sur la jeunesse ingrate et la lourdeur de sa charge ! Comme si je n’en avais pas conscience de cette lourdeur ! C’est moi qui la portais ! non !
Heureusement, nous approchions enfin de sa destination. J’espérais bien qu’après tous mes efforts, j’empocherais au moins quelque solide récompense… après tout, il semblait tout de même s’intéresser un peu au devenir des nouveaux arrivants sur cette terre battue des vents !

- Je…., je m’en sors comme je peux, Monsieur, dis-je tout haletant. Les emplois ne sont certes pas nombreux mais, il reste la chasse et la pêche et puis, je ne suis pas du genre à rechigner à l’effort.

Sur ces mots, je trébuchai sur la marche à l’entrée de l’auberge et failli m’étaler avec mon chargement. Après quelques jongleries plus ou moins élégantes, je récupérai mon assiette et déposai sacs et paniers sans casse sur le sol . Tandis que le vieux s'agitait en bougonnant un peu autour de ses ballots, je m'appuyai en silence contre le comptoir, le temps de reprendre mon souffle et d'essuyer la sueur qui me dégoulinait dans les yeux.

- Non, je ne rechigne pas à l’effort, répétai-je enfin, mais il est vrai que les débouchés en Islandis semblent plutôt limités et que la marchandise, qu’elle soit résultat de la chasse ou de la pêche, à tendance à stagner un peu trop longtemps sur le marché faute de clients. C’est pourquoi, je suis bien décidé à quitter cet îlot, afin d’aller voir si le continent est plus accueillant. Vous dites avoir vos affaires plus à l’ouest, N’auriez-vous pas besoin d’un employé par hasard ?

[Arviloy]

Et voilà, j’aurais mieux fait de me taire, moi ! Le voilà reparti pour ne plus s’arrêter ! Et en plus il doit me prendre pour une bille ! C’est vrai quoi, qu’est-ce qu’il s’imagine le vieux ! J’ai pas attendu après lui pour apprendre tout ça ! Bon, au moins il me conforte dans mes choix de formation. Et avec tout ça, j’ai le gosier complètement desséché et il ne me propose même pas un godet. Bon tant pis, je vais prendre le risque… Mais au fait... Qu’est-ce qu’il a dit ? Il tient une charpenterie ? Vaut mieux que j’y aille mollo alors, pourrait bien dev’nir mon patron d’ici à ce que je termine mon apprentissage. Ce serait dommage qu’il me prenne en grippe !

- Hmmm ! J’ai pris grand soif, Monsieur, d’avoir transporté toutes ces victuailles. Ce pourrait-t-il de votre générosité de bien vouloir m’offrir un verre…

Oh là, là ! à voir son regard, voilà qui n’est pas gagné ! L’est même fichu de me le faire payer mon verre, le vioque !

- …D’eau ?

Mais qu’est qu’il était en train de dire là tout de suite ?
(…) Peut-être même pourriez-vous...
Il avait peut-être enfin quelque chose d’intéressant à proposer là ! Pourquoi, il ne continue pas !

- Mais excusez-moi, je vous ai interrompu. Vous alliez me faire une proposition ?…

[Arviloy]

Arf ! Du lait de chèvre ! Mais il cherche à m’empoisonner le vieux ou bien il me prend pour un nourrisson ? Je déteste le lait de chèvre ! Non mais… comment je vais bien pouvoir boire ça sans m’étouffer, moi ! C’est bien ma garce de chance de toujours tomber sur de pareils boulets !
Pfff ! Et le voilà repartit à dégoiser en plus ! Hein ? quoi ? Mes ambitions…, mes espoirs ? Bon finalement, dans toute cette logorrhée, je vais peut-être finir par trouver quelque chose d’utile. Quoi que dans l’immédiat mon plus grand espoir, c’est déjà de me débarrasser discrètement du poison qu’il vient de me servir. Hmmm ! peut-être que si je fais tomber la chope pendant qu’il a le dos tourné… me d'mande s'il va pouvoir lire dans les étoiles ce que je vais en faire, moi, de son foutu lait de chèvre...

… Plaffff !

- Oh ! Excusez-moi, je suis d’une maladresse ! J’espère que le gobelet n’est pas cassé !… Heuuu ! Vous me parliez de mes espoirs… et bien… pour l’instant, mon espoir, c’est surtout de quitter Islandis où je me sens un peu coincé. Je n’aime guère me trouver à l’étroit et j’ai envie de voir le monde avant de choisir ou me fixer définitivement… Enfin..., si je me fixe un jour. Peut-être reviendrais-je ici, en fin de compte, pour peu que je puisse disposer d’un bon lougre pour m’en échapper à volonté, mais ne peux pas encore l’affirmer. Une demeure dans chaque cité me tenterait assez mais je n’ai encore guère de fortune et aspire à terminer quelques apprentissages. C’est pourquoi pour l’immédiat je songe surtout à entreprendre un grand tour de compagnon. Ce qui m'a amené à entreprendre de passer mon brevet de marin...

[Arviloy]

- Une Cervoise ? Alors ça, bien volontiers, Monsieur. j'connais rien d'mieux pour vous requinquer un homme après l'effort !

Ouf ! Finalement, il n’est peut-être pas si nul que ça le vieux ! Juste un peu long à la détente… et foutrement bavard mais c’est vrai qu’à son âge…

- Vous pouvez m’aider à quitter Islandis, que vous dites ? Là, j’avoue que vous m’intriguez, Monsieur ! En fait, je viens tout juste d’obtenir mon brevet de marin et j’étais à la recherche d’un vieux rafiot à bout de souffle mais encore assez solide pour tenir l’eau pour une ou deux traversées… Serait-ce donc que vous avez ce genre de vieille baignoire à disposition ?

Ça alors, ça serait un sacré miracle ! En fin de compte, tous ces efforts vont peut-être finir par payer ! Hem ! Mais qu’est-ce qu’il veut dire là avec ce qu’il veut en échange ? C’est carrément un guide touristique qu’il me demande là ! J’me demande qui ça pourrait bien intéresser un truc pareil ! Et puis, le voilà qui repart avec ses étoiles ! Dois avoir un peu trop goûté à sa cervoise, le papy, pour voir des étoiles en plein jour !

- Mais qu’est-ce que vous voulez dire avec vos idées d’écrire dans les journaux ?

Pfff! Comment je vais négocier ça moi ? C'est qu'il m'a l'air sacrément dur en affaire le vieux ! S'agirait pas de rater un bon moyen de foutre le camp de ce fichu ilot.

Arviloy se gratte la tête en fronçant les sourcils.

- Les journaux, c’est fait pour les politicards ! Moi je m’en sers juste pour emballer le poisson que je pêche !

[Arviloy]

Écrire, c’est être vivant ! Mais qu’est-ce qu’il dégoise là le vieux. J’suis pas mort moi, même si…

{Arviloy porte sa chope de cervoise à ses lèvres et sirote délicatement le breuvage divin tout en écoutant distraitement le bavardage du vieux quand tout soudain il avale de travers. Le visage écarlate, toussant et crachant, il parvient difficilement à reprendre son souffle sous le regard un peu inquiet du vieux.}

- Excusez-moi, Monsieur, dis-je enfin lorsque j'eus repris mon souffle, je reconnais que c’est vraiment dommage de gaspiller pareil hydromel mais vous m’avez fait sursauter sur ce coup-là ! Un lougre à ma disposition, que vous me dites ?… Et vous demandez si ça me tente ?… Pour sûr que ça me tente !…

Fichtre, je me l’adopterais bien moi, le papy, tout radoteur qu'il est, s’il continue à me faire des avances de cet acabit ! Et sa cervoise est rudement goûteuse en plus ! Dommage qu’il m’en ait fait recracher la moitié en me sortant pareille faribole ! Par les milles diables de la mer, ça peut pas être vrai un truc comme ça ! C’est que je suis bien tenté d’accepter, moi ! Sauf qu’il y a un hic auquel, il n’a sûrement pas pensé le vieux avec ses histoires de journaux.

- Mais attendez un peu…, j'voudrais pas me précipiter dans n'importe quoi, non plus. Faut que j’y réfléchisse quand même un peu aussi…

{Les yeux dans le vague, Arviloy déguste une nouvelle goulée de cervoise.}

Me demande s’il y a des écrivains publics sur le continent ? En tout cas je n’en ai pas vu dans le coin ! Parce que ce qu’il ne sait pas le vieux, c’est que pour ce qui est de raconter des fadaises du genre qu’il a l’air d’apprécier, moi ça me fait ni chaud ni froid, je lui en sers à la demande… mais quant à les écrire, là, il aura une drôle de surprise, papy ! Me demande quand même s’il n’y a pas une entourloupe, genre contrebande ou autre, la-dessous. C’est trop beau pour être vrai des propositions pareilles. « Méfie-toi mon gars », c’est ce qu’il me disait toujours le daron.

Bon, si je veux son rafiot, il va falloir que je me renseigne discrètement… et que je la lui joue serrée ! Et en plus ça paie qu’il dit ! Sauf que si ça paie moins que le prix que me demandera un scribouillard, ça risque de pas me rapporter grand chose ! Mais il y a le rafiot…

- Vous dites bien que je n’aurais rien d’autre à faire que d’aller raconter des fa…, heu ! Tout ce que je vois aux journaux ? Juste ça et rien d’autre ?

[Arviloy]

Un compte bancaire ? !? Mais qu’est-ce qu’il croit papy... ? Que je me trimballe avec ma bourse toute remplie de mes kipons durement gagnés dans les poches au risque d’attirer tous les pickpockets alentours ?
Mais c’est vrai que, tout rusé qu’il parait, faut qu’il soit bien crédule, le papy, à faire des propositions comme ça à un parfait inconnu ! Il a de la chance d’être tombé sur un gars honnête… ! Hem ! Enfin, j'me raconte pas d’histoires, hein !… Honnête juste ce qu’il faut pour pas se faire prendre !...
Et voilà qu’il veut me donner des kipons maintenant ! C’est un vrai pousse au crime des histoires comme ça… Sûr que là, y aurait de quoi tourner mal !…

- Ben, il n’est pas encore très garni à vrai dire mais je suis un gars prudent moi, Monsieur,… alors j’ai un compte à la banque...

(La tête penchée en arrière, Arviloy tente d'extraire encore quelques précieuses gouttes de cervoise du fond de sa chope.)

Doit rudement y tenir à ses journaux pour en arriver là, le pauvre vieux !…
Aie ! Voilà-t-y pas que je me prends de sympathie pour lui maintenant ! C’est vrai qu’il me rappelle un peu le daron… et puis, faut lui reconnaître que sa cervoise, elle est rudement bonne ! M’en enverrais bien une deuxième, moi !

- Ah ! Monsieur, faut bien dire que vous avez-là la meilleure cervoise qu'il m'ait été donné de déguster depuis mon naufrage !

Attends voir mon gars, qu’est-ce qu’il a dit là juste avant de vouloir me garnir en kipons ?
(…) Ou au moins, des tentatives sérieuses de se faire publier...
Avec ça, je reste gagnant, moi ! Je peux lui prendre son rafiot finalement ! Me sentirais même pas coupable de l’avoir roulé, le papy ! Ah! J'te me l'embrasserais bien moi, le vieux !

- Hmmm ! A tout bien réfléchir, je pense qu'on pourrait peut-être bien faire affaire...

Hmmm !... Va quand même falloir que je pense à apprendre à écrire... Ça peut être fichtrement utile finalement c’machin là !...

[Arviloy]

Aie ! C’était trop beau ! S’il a des accointances au SAM, il verra bien que je suis déjà en attente d’un rafiot, le vieux !
Pfff ! Le daron avait bien raison quand il disait que le crime paie pas ! Me voilà coincé moi ! Adieu pépettes ! Et en plus le voilà reparti dans ses parlotes à n'en plus finir ! Qu’est-ce que j’en ai à faire moi de sa jeunesse ! C’était, il y a bien au moins un siècle qu’il devait être jeune, le papy ! Le monde a changé depuis c'temps là ! L’invasion d’Uthor ? C’est quoi encore que c’truc ? Jamais entendu parlé moi !

- À dire vrai…

(Arviloy louche sur le tonnelet en cours de perce.)

Bon, mieux vaut faire bonne figure. L’est rudement bien implanté dans le secteur, on dirait, le papy. Mieux vaut me le mettre dans la poche ! C’est le genre de relation qui peut servir ! D’autant plus quand la cervoise est gratis et coule à flot !... C’est qu’il a pas l’air de cracher dessus, papy, en plus. Tant qu’il est partageux, moi j’y vois pas d’inconvénient !

- L’affaire n’est pas encore tout à fait conclue avec le SAM, Monsieur, mais j’ai bon espoir d’avoir un rafiot avant la nuit. C'qui ferait que je pourrais bein être déjà à Kipie dès demain... Mais j’dois dire maintenant, qu’avec toutes vos propositions…

(Arviloy prend un air quelque peu embarrasé.)

Et puis, zut, j’ai pas de quoi me sentir coupable quoi ! Je luis ai rien demandé moi au vieux ! C’est lui après tout, qui s’avance à me faire des propositions à envoyer un homme au gibet ! Doit pas être surpris si j’suis tenté, moi !

- Ben j’sais plus trop maintenant, si je dois conclure avec vous ou avec eux !

Ouf ! voila qui est dit ! peut-être que maintenant, Papy va oublier un peu ses foutus journaux pour nous servir une nouvelle cervoise !

- Hmmm ! Vous avez l'air d'avoir des entreprises un peu partout dans le coin. Peut-être que vous en avez aussi à Kipie ? C'est que je suis toujours à la recherche de nouveaux apprentissages pour pouvoir faire mon chemin... un peu comme vous quoi... sans vouloir vous flatter !

Pfff ! Un peu de pommade, ça fait de mal à personne... après tout !

[Arviloy]

Bon, le vieux n’avait pas trop mal pris mes aveux. J’suis même pas sûr qu’il avait compris que j’avais été bien près de profiter de sa naïveté, en plus. De toute façon, je n’attendais guère plus qu’une bonne cervoise supplémentaire de sa part avant de m’en aller, maintenant. Ça faisait un moment que je traînais là et des clients venaient d’arriver. Je fronçai les sourcils lorsque je vis le vieux oublier son tonnelet de cervoise pour se mettre à fouiller dans ses poches. Mais qu’est-ce qu’il lui prenait ? Et ma cervoise alors !?!?
La bourse maigrelette qu’il réussit finalement à extraire des profondeurs abyssales de ses poches n’avait guère de quoi me faire bondir. D’ailleurs, j’aurais donné gros à parier que la mienne était mieux pourvue que ça !

(…) Je les ferais verser sur votre compte dans un avenir très bref...

Alors là, moi, je n’y comprenais plus rien ! J’en oubliai même ma cervoise, c’est pour dire ! Je restai là au moins cinq bonnes minutes les yeux écarquillés à bailler comme une carpe, tellement, il m’a coupé le souffle le vieux ! Il voulait encore me donner des sous, malgré que…! Bon d’accord, c’était un foutu cancanier mais, là pour le coup, c’est sûr que je l’adoptais ! D’ailleurs la meilleure façon de le remercier…

(Arviloy s’avance vers le vieux et lui donne une accolade pas très délicate.)

- Ah ! Tu es trop chouette, Papy. Je m’attendais pas à ça de ta part. T’es encore mieux que mon regretté paternel ! Sûr qu’à partir d’aujourd’hui, tu deviens ma famille ! Tout cossu comme t’as l’air, t’as bien une auberge dans chaque cité, j’suis sûr. Ben à partir de maintenant, tu peux me demander de porter tous c’que tu veux chaque fois qu’on se croisera. Promis juré, j’serais toujours là pour un coup de main !

Les quelques clients installés aux tables dans l’attente d’être servis nous regardaient tous les deux avec un air plutôt bizarre alors je leur lançai mon regard le plus vachard avant de relâcher papy.
Bon, je me sentais un peu gêné quand même. C’est pas vraiment dans mes habitudes de montrer mes sentiments en public ! C’est qu’il faut se méfier, hein ! Les gens, ils réagissent bizarrement des fois !
Et puis le vieux, il avait quand même l’air un peu fripé après ça. Peut-être qu’il avait pas vraiment l’habitude qu’on soit reconnaissant envers lui après tout…

- Et pis promis, juré, j’oublierais pas tes journaux, non plus Papy !

J’saurais pas trop dire pourquoi mais il avait l’air un peu secoué, Papy. L’émotion peut-être ?… J'espérais bien un peu qu'il allait fêter notre toute nouvelle filiation avec une nouvelle tournée de cervoise... mais maintenant qu'il faisait partie de ma famille, j'attendis bien poliment sans rien réclamer.
C'est vrai quoi, la famille c'est sacré ! Faut jamais la bousculer !

[Arviloy]

- Hein ? Quoi ? La marée ? Par tous les diables de la mer, j’l’avais complètement oublié, celle-là !

M’avaient pourtant prévenu au SAM qu’il me fallait la marée pour sortir un lougre. Heureusement que Papy est là. Ça alors ! Et en plus, j’aurais même pas pensé à prendre des provisions. J'ai bien fait de l'adopter, Papy. Il a de sacrés bonnes idées ! La traversée passera plus vite avec un bon tonneau de cervoise…

- Tu as raison Papy, faut que je file.

(Arviloy s’empare prestement du tonneau et du pain, fait quelques pas rapides vers la sortie puis s’arrête soudain, comme si un mur invisible se trouvait là, devant lui. Un peu hésitant il se tourne vers Garion.)

Dommage quand même, ce sera sûrement moins bon de le boire tout seul, ce tonnelet... et puis… j’aurais bien aimé faire un peu plus connaissance du Papy maintenant qu’il est de la famille.

- Bien le salut, mon Papy ! J’espère bien qu’on se r’trouvera vite à Kipie !

Va me manquer de l'entendre radoter, le papy...

(De nouveau prêt à partir, Arviloy s'arrête à nouveau. Ce qui lui fait exécuter une curieuse petite danse grotesque. Il laisse échapper un curieux bruit de gorge comme s'il était ému, toussote un peu.)

- Hmmm ! Dis-donc, Papy, c’est comment ton p’tit nom, au fait ?

[Arviloy]

Je me sentais tout triste de quitter Papy comme ça, surtout quand il m’a dit qu’il n’allait pas à Kipie ! Mais comme après Kipie, j’avais bien l’intention de visiter Gâalen, je ne désespérais pas de le revoir. De toute façon, il avait raison, la marée n’attend pas.

Je me dépêchai donc vers le quai où m’attendait SAM le corsaire. Le représentant du SAM était là, lui aussi, attendant que je lui verse la caution convenue. Moi je trouvais ça un peu bizarre de lui donner des kipons qu’un de ses homologues me rendra à l’arrivée à Kipie ! Surtout que ça ne couvre même pas la valeur du rafiot si jamais je coulais avec ! Mais c’est la règle, qu’il m’a dit, alors comme je voulais vraiment quitter Islandis, je n’avais pas trop le choix !

C’est rudement beau un lougre toutes voiles déployées mais ça ne se manœuvre pas aussi facilement que ma petite barque de pêche ! Tandis que je me débattais avec les gouvernes, je me disais qu’il aurait été bien plus facile à manœuvrer avec un équipage ou même ne serait-ce qu’un compagnon.

Je me demande à quoi les édiles de Kiponie ont bien pu penser quand ils ont décidé qu’un lougre ne pouvait avoir qu’un capitaine pour le manœuvrer. C’est vrai quoi, je suis sûr que bien des jeunes comme moi ne demanderaient pas mieux que de passer leur brevet de marin sous la coupe bienveillante d’un capitaine chevronné ! Et puis ce serait aussi pour eux, une façon de voir du pays sans engager de frais ! C’est qu’on est pas riche lorsqu’on s’échoue dans le coin !

Je réussis enfin à sortir du port. L’inquiétude s’empara de moi un bref instant lorsque je me retrouvai en pleine mer. Il y avait de quoi, hein ! La dernière fois que je m’y étais retrouvé, le navire sur lequel je naviguais avait fait naufrage et à ma connaissance, j’en étais le seul survivant.

Une bonne chope de la cervoise de papy me remit les idées en place et je mis le cap au sud-ouest. Il n’y avait pas besoin d’être bien grand navigateur, d’ailleurs, car la côte était visible et bientôt, je pus même distinguer dans une lointaine brume bleutée la silhouette estompée des bâtiments portuaires de Kipie.