[RP]Le Roitelet et la Fouine en Kiponie

Image La marécageuse - Une visite, suivez le guide
Tamuril
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[RP]Le Roitelet et la Fouine en Kiponie

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Le Roitelet et la Fouine en Kiponie.

Nevea 318
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Égasse
Elle était épuisée et affamée. La traversée de ce marais avait été éprouvante. Un air moins vicié les poussait vers le nord. Cela faisait des jours que Dreolìn et elle fuyaient. Le frêle Roitelet des Buissons venait parfois se reposer sur ses épaules lorsque le chemin le permettait. La nuit ils se blottissaient tous les deux entre les racines d'un arbre ou au fond d'un terrier abandonné.
Égasse la Fouine était végétarienne. Le petit Roitelet, son ami, n'avait rien à craindre. Mais ces marais n'avaient guère de quoi satisfaire son appétit. Dreolìn était plus chanceux. Les insectes pullulaient.
L'air était de plus en plus frais et les remugles des eaux saumâtres s'estompait. Égasse vit une éclaircie et prit sa direction suivie de Dreolìn. Au loin, au sortir des Marais Salants de Lagonie les cimes d'une forêt protectrice surgissaient.
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Dreolìn
Malgré le festin de moustiques il n'était pas mécontent de quitter ce marécage.
La vue de la forêt et des buissons lui redonna courage et il battit du plus fort qu'il put ses fragiles ailes.
Ils avaient une lande déserte devant eux. Ou plutôt entre eux et la forêt. La lune cette nuit se jouait des nuages et jetait des ombres terrifiantes autour d'eux. Que de mauvais souvenirs remontaient à sa mémoire.
Dreolìn avait connu Égasse lors de l'affaire des 3L. A l'issue de celle-ci, ils décidèrent de parcourir le monde. Voir si les humains avaient meilleur visage ailleurs. Ils voyagèrent ainsi de hameaux en bosquets pour arriver jusqu'à une mer. De là ils montèrent clandestinement dans un beau bâtiment flottant jusqu'à cette nuit d'orage. Ensuite. Un trou noir.

Égasse
La Fouine accélérait du plus qu'elle pouvait. De temps en temps elle relevait la tête pour évaluer la distance restante et pointait parfois son museau vers l'arrière. Elle ne sentait rien d'autre que la puanteur du marais. Elle se faufilait entre les bruyères tandis que Dreolìn les frôlait.
Elle se remémora les derniers jours. Lorsqu'elle s'éveilla sur une semi plage, Dreolìn dans sa gueule. Elle n'avait pas compris tout de suite. Puis cela revint. Elle avait entendu les marins dire que la tempête les jetait sur des rochers. Sans réfléchir, Égasse, au premier bruit de craquements lugubres, prit Dreolìn dans sa gueule et sauta par dessus bord. Qui dit rochers, dit en général, côte pas loin. Pari gagné. Mais où étaient-ils ?

Le Monstre
Rrrrhhh. La faim le tenaillait. Son ventre le faisait souffrir. Il était trempé et couvert de bosses et d'ecchymoses. Une douleur sourde irradiait de sa jambe. Le sel avait cautérisé la plaie. L'os n'avait pas l'air touché heureusement. Il essaya de se relever. Peine perdue. Il sombra dans un semi coma.
Un tremblement de terre le sortit de son cauchemar. Les gargouillis de son estomac résonnèrent dans tout son corps. Il jeta un œil vers sa jambe. La testa et partit silencieusement en chasse.
Devant lui s'étendait un désert d'herbes rases entrecoupé de petites dunes. Derrière, la mer qui l'avait rejeté. Il avançait sans faire de bruit au milieu des salicornes. Au loin un héron cendré prit son envol. Entre deux branches de fenouil il aperçut une silhouette.
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1ère victime
Il avait descendu l'Anith depuis Lazul et prit un petit confluent qui le mena à son coin préféré. Il n'était pas paludier de métier mais son grand-père et son père avant lui venaient ici. Ils se passaient le secret de père en fils depuis des générations. Cette activité ne rapportait pas grand chose mais lui servait à saler son poisson. Pêcheur à Lazul. Voilà son métier. De père en fils aussi.
Son poisson salé était réputé dans toute la Province de la Vallée froide car le sel qu'il utilisait était de bonne qualité. Normal. C'est lui qui le produisait. Oh il aurait pu gagner plus. Les bouchers et fromagers alentours lui demandaient souvent de leur en fournir. Mais il préférait sa petite vie tranquille. Aussi il faisait attention à ne pas être suivi de peur que son lieu secret ne soit éventé.
L'orage de la veille avait trempé le chemin. En cette saison il ne pouvait récolter. Il venait nettoyer ses vasières en vue de la prochaine production.

Le Monstre
Rampant tel un félin, ondulant entre les herbes tel un serpent il s'approcha doucement de sa proie. Aux aguets il attendit le bon moment. La brise était légère et lui faisait face ainsi que sa victime. Soudain il sauta à la gorge de l'homme qui poussa un cri de stupeur. Cela fut bref. Le pêcheur mourut dans gargouillement de sang. Le corps fut en partie dévoré en quelques minutes. Les restes furent éparpillés de rage un peu partout au grand plaisir des charognards qui s'aventureront ici. Il ne resta bientôt plus grand chose de l'homme. Son corps ne fut jamais découvert mais sa disparition constatée quelques jours plus tard à Lazul commença d'inquiéter les habitants.

Dreolìn
Lorsqu'il s'éveilla Égasse était en train de le lécher. Son amie lui raconta leur naufrage et Dreolìn frissonna à l'évocation de ce souvenir. Plus tard ils prirent la direction du nord pour s'éloigner de la côte. Cela ne faisait que quelques heures qu'ils cheminaient tranquillement lorsqu'un cri horrible perça l'atmosphère. Sans se concerter ils prirent la fuite dans la Lande et les Marais. Au bout d'un temps infini ils s'arrêtèrent, épuisés et tombèrent dans le premier trou pour se cacher. Un autre cri aussi horrible les trouva endormis à la nuit noire. Il s'enfuirent ainsi, sous la lueur des étoiles, le plus loin possible de ce cauchemar jusqu'aux portes de Lazul.


Tamuril
Lazuléennes, Lazuléens, touristes kiponais, ou non, de passage à Lazul ou qui que tu sois, la tranquillité de notre impériale cité est de nouveau troublée. Cette fois-ci il en va de la vie de nos concitoyens.

La seconde victime, la pauvre Luciane, vivait en marge de la cité. Fille unique d'une mère célibataire elle passa la majorité de son enfance à errer de marchés en marchés avec sa mère pour vendre leurs plantes sauvages. La mort maternelle la poussa encore plus dans l’asocial et elle élut domicile aux abords de Lazul. Elle se bricola une petite cabane près des marais et vivotait jusqu'à sa rencontre avec le Monstre.

Amie lectrice, ami lecteur, vous êtes cordialement invité à participer à cette chasse. Que ce soit pour nous informer ou colporter un ragot ou une rumeur, signaler votre témoignage direct ou participer vous-même aux recherches. Point de récompense que celle du plaisir de jouer collectivement. Ou de mourir joyeusement si vous devenez une victime.
(Heu ? Joyeusement ? Tu es sûr ?)
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Le Chef

Chef ! Chef !

- Oh non pas elle. Pas ce matin.


La boulangère du quartier de Faux-Bourgs accourait toute jupe retroussée. Postillonnant son haleine elle déclara d'un ton ferme et entrecoupé de reprises de respiration.

Cela ne peut plus durer. Keuf. Keuf. Il faut faire quelque chose. C'est votre travail.

Elle prit un temps.

Je vais me plaindre à l'Empereur. Que la Licorne le protège. Faites quelque chose.

Elle l'avait pris par le col et lui secouait la cervelle de ses cris.

Bonjour Dame boulangère.

Il sortit son plus beau sourire.

Que puis-je pour vous aujourd'hui ?

Elle s'arrêta et le regarda surprise.

Vous le savez bien. C'est intolérable. Dans notre si belle cité.

Elle se calmait. Il reprit plus doucement.

Dites-moi tout.

- Il y a encore eu de l'esclandre hier soir à la taverne.

- Ah bon ?

- Chants. Cris. Jusqu'à tard. Je travaille moi. Je n'ai pas le temps de m'amuser. Il faut que cela cesse.

- Ne vous inquiétez pas. Ce n'était que de jeunes naufragés de passage pour leur tour de Kiponie. Ils sont partis ce matin. Vous pourrez dormir tranquille.

Il lui ressortit son sourire du samedi soir. Celui pour plaire aux filles. Le sourcil gauche de la boulangère se hissa tandis que le droit se fronça.

Impertinent !

Elle fit demi-tour et repartit d'un pas martial vers son étal.

Ouf !

Depuis l'affaire du vol au port elle ne le lâchait plus. Le moindre vent dans les haubans des lougres et le bruit la dérange. Elle devrait trouver quelqu'un pour l'occuper pendant ses nuits d'insomnie. Le Chef étouffa un rire et repartit vers le ChEd.

Il avait d'autres soucis. Un poissonnier renommé de Lazul était absent depuis plusieurs jours. Personne ne l'avait vu et sa maison et son étal étaient vides. Il avait aperçut l'Empereur partir ce matin tôt. Il devait voir son Adjoint. Il réprima encore un sourire.

L'étourdi. A peine arrivé à Lazul qu'il se trompa lorsqu'il donna son nom. Il avait inversé son patronyme avec son prénom le bougre. L'on pourrait mettre cela sur le compte du naufrage. Mais ce ne fut pas la seule étourderie. La dernière. Les dernières. A peine promu Adjoint qu'il fit deux erreurs coup sur coup. Rien de grave. Mais quand même. Cela n'est pas sérieux.
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Tamuril
La tête reposait dans la paume d'une main tandis que l'autre grattait paresseusement le vernis du bureau. Ses pensées virevoltaient dans la brume lazuléenne. Il venait de passer quelques kipomois à faire le tour de Kiponie et avait ses cabanes dans toutes les cités. Il n'avait pas pu réussir tous les défis pour le groupe Cabane pour Tous. Certaines cités manquaient cruellement d'employeurs et il n'avait pu rester trop longtemps. Il avait promis de rentrer au plus vite pour décharger les Adjoints habituels de la cité de l'obligation de rester sur place. Seulement il avait oublié de demander le temps que cela durerait.
Il avait bien inauguré son rôle d'Adjoint en commençant par faire des étourderies. L'université avait besoin de 25 manuscrits pour les élèves. Au lieu de compléter pour arriver à 25 il n'avait retenu que ce chiffre et en avait ajouter 25. Du coup il y en avait d'avance. Heureusement rien de grave. Mais depuis plus rien à faire. Aurait-il perdu la confiance de l’Empereur ? Ou plutôt la vie de fonctionnaire est-elle toujours aussi trépidante ?

La porte s'ouvrit soudain grandement. Laissant peu de place à la lumière, une carrure imposante s'avança vers Tamuril tandis que le Chef lançait un "Salut Adjoint" franc et massif.

Heu ? Bonjour Chef. Tamuril se redressa et regarda le chef de la Garde. Que puis-je pour vous ?

- Ben voilà. Vous connaissez Kipio ?


Tamuril réfléchit un instant avant de se souvenir du marchand de poisson à qui il revendait sa production lorsqu'il passa son brevet de marin. Il fit un signe positif de la tête signifiant ainsi au Chef qu'il pouvait continuer.

Ben voilà. Cela fait quelques jours que personne ne l'a vu. Pas plus tard qu'hier un de ses clients de Piethra s'était déplacé pour un rendez-vous avec lui mais il trouva porte close. Plusieurs personnes se sont inquiétés auprès de moi.

- Peut-être est-il en voyage ?

- Il ne part jamais longtemps. Je le connais depuis notre enfance. Il ne part jamais plus de 3 jours et il prévient d'habitude. Et là cela fait presque 15.

- En effet. Ce n'est pas habituel. Personne ne sait si il a du partir d'urgence ? Un parent souffrant dans une autre cité ?

- Il n'a plus de parents. Il vit seul à Lazul. Et personne, dans ceux que j'ai vu, ne sait rien.


Se grattant le menton, Tamuril prit le temps de la réflexion.

- Bien. Que proposez-vous de faire ? Que faites-vous dans ces cas-là ?

- Pas trop l'habitude de perdre des citoyens comme ça moi. Mais chercher je connais. J'ai prévu une petite visite des Marais alentours avec quelques hommes de bonne volonté.

- Bien. Je dois aller à la pêche aujourd'hui. J'en profiterais pour fouiner du côté de l'Anith.

Pendant que vous cherchez du monde pour vous aidez, passez aussi le mot auprès des citoyens de Lazul. Si quelqu'un sait ou voit quelques chose qu'il nous le signale.
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Égasse
Ils étaient parvenu jusqu'à la forêt. Un bosquet en fait. Lazul n'était pas réputée pour son bois. Ils se perdirent dans les fourrés jusqu'à trouver une cache où se blottir.

Le calme revint dans la lande. Un vent mauvais soufflait des marais. Il fut vite chassé par une tramontane venant de Piethra. Le vent de fin d'hiver. Bientôt la nature allait se réveiller avec les moustiques. Tout le monde en profiterait. Tout le monde...

Le Monstre
La douleur en son ventre et sa fureur s'étaient calmés. Il avait une envie de repos. Une douce chaleur montait de sa jambe. La plaie s'était rouverte et un peu de sang se mêlait à celui de la victime. Il s'étira et repartit silencieusement à travers le marais. Le chant des oiseaux revint timidement s'insinuer entre les branches des saules. Un autre chant transperçait au loin et le Monstre dévia sa course vers la mélodie.

Seconde victime
Luciane chantonnait une de ces ritournelles à la mode. Elle aimait chanter. Elle avait appris les rondes et les chants populaires de la Vallée froide lorsqu'elle faisait les marchés avec sa mère. Maintenant elle écoutait en cachette les villageois et les villageoises et apprenait les dernières chansons en vogue. Tout à ses pensées lyriques elle n'entendit pas le Monstre s'approcher. Elle n'aperçut qu'une ombre filant au coin de son œil droit avant que le néant ne la submerge. Elle fut surprise par le silence qui précéda sa mort.
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Tamuril
L'ouverture soudaine de la porte de son bureau le fit sortir de sa somnolence. Il ouvrit un œil en se demandant ce que voulait dire la phrase restée en suspend dans son esprit lorsqu'il fut pris de l'envie de piquer du nez. Quelle mansuétude !

Sans se soucier plus avant de sa signification, Tamuril reposa le "quotidien" du jour et regarda en direction de l'origine de son réveil.

Le Chef
Adjoint ?

Par le divin Étron de la Licorne ! Mais c'est qu'il dort le bougre. Le Chef se reprit rapidement.

J'voudrais votre avis sur ça. Il tendit à Tamuril un papier un peu grand pour une lettre.

J'voudrais lancer un appel. C'est pour Kipio. Vous savez le poissonnier disparu. Ce s'rait bien d'afficher ça. Enfin je pense. J'voudrais pas jusqu'à louer un crieur pour réveiller le citoyen. Je n'ai guère trouvé de témoignage et je voudrais étendre les recherches.

Tamuril
La tête lui tournait la vue dans le mauvais sens. Entre le travail au champ et à la prairie et son apprentissage à la boucherie il trouvait le temps de faire des allers et retours entre les hameaux de la Vallée froide. Du coup il n'en avait plus guère pour le repos. Il prit le document que lui tendait le Chef et le parcourut des yeux. Deux fois. Le temps de la mise au point visuelle et mentale.

Heu ? Oui. Pour moi pas de problème. Je voudrais en parler à l'Empereur avant.

En voilà bien des volontés. Faute de volontaires.

Dans son demi sommeil pensif il n'entendit pas le Chef partir en prononçant un "grumpf" désapprobateur.

Dreolìn
Le Roitelet avait reprit du poil de la bête. Ou plutôt. Il s'était remplumé. Le printemps amenait son monceau de nourriture fraîche et il se régalait. Il osait même s'aventurer dans les ruelles silencieuses du hameau. Il avait appris à reconnaître les rares ombres qui ne fuyaient pas la lumière. Il repensait à l'agitation des cités de ses montagnes natales. Il regardait parfois du coté du nord ou de l'est et admirait la majestuosité des montagnes alentours. Mais ils avaient préféré s'installer ici. L'ingéniosité humaine avait transformé les marécages en fertiles champs. Et cela convenait au régime d'Égasse. Et à celui de Dreolìn.

Le Roitelet et la Fouine faisaient partie de ces animaux mythiques qui parlaient un langage universel. Ils aimaient à converser le soir à la lueur des étoiles. Cela faisait plusieurs jours que tout était calme. Plus de cris. Plus de peurs. Le Roitelet avait un penchant pour les récits et les potins. Voilà pourquoi il partait parfois pour écouter aux fenêtres des maisons. La douce saison avançant, les habitants laissaient volontiers leurs fenêtres ouvertes pour faire partir douleurs de l'hiver. Dreolìn fit part à Égasse des dernières nouvelles du bourg assoupi.
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Tamuril
L'hiver n'était pas encore mort. Après une période douce, voici qu'au milieu de ses râles quelques soubresauts de vigueur le transformait en morsures matinales et en vent s'insinuant dans la négligence vestimentaire. Après s'être rattifé Tamuril lutta contre le souffle en courbant l'échine et reprit ses zigzags dans les ruelles de Lazul. Quelque chose se colla à son visage. Chose rêche et froide virevoltant au gré des humeurs éoliennes. Son second réflexe fut de jeter celle-ci mais son œil averti se fixa sur les mots collés au morceau de papier. Pointe acerbe à son pouce le début d'un prénom apparaissait. Comme un guide dans la brume il précédait la suite du texte qui revint à la mémoire de l'Adjoint.

Au départ du Chef il était parti rendre visite à l’Édile. L'accord de l'Empereur permit d'afficher l'avis de recherche de Kipio dans Lazul et les alentours. Lors de ses escapades dans les cités valfrodiennes Tamuril en parlait au peu de rencontres qu'il y faisait. C'est que Lazul semblait frénétique au regard des autres hameaux. Mais il y restait trop peu pour s'en rendre vraiment compte. Il se sentait comme pris dans une toile douce et berçante. Son esprit entreprit l'ascension des bourrasques et commença à voyager au gré des souvenirs remontant du fond de son amnésie tandis que son crâne pointait vers son cap en bravant les rafales de vent.

Les images de son ancienne vie se mélangeaient à celles engrangées depuis son réveil en Kiponie. Il fit rapidement le tri pour se concentrer sur la situation actuelle. Les recherches dans les marais et le long de l'Anith et de ses affluents n'avaient rien donné. Les réponses à ses questions au peu de chalands rencontrés dans les marchés de la Vallée Froide étaient toujours négatives. Il aurait voulu étendre les recherches mais le Chef lui avait assuré qu'il était impossible que le marchand de poissons soit parti aussi loin sans laisser de message. Quand même ! se désola-t-il.

Chose étrange une autre disparition avait été constatée. Une jeune fille du nom de ? Lucane ? Luciane ? Une louve solitaire vivant en marge de Lazul. D'aucuns disent qu'elle est un peu demeurée. D'autres, un peu sorcière. Sa différence lui faisait rejeter une société qui la rejetait. Certaines mauvaises langues insinuaient que Kipio était parti convoler avec la bougresse. Quoiqu'il en soit elle avait aussi disparu et rien ne supposait une liaison entre les personnes ou les affaires.

Cela faisait des semaines maintenant. Rien n'y fit. Ni les invites, ni les investigations. Ces disparitions s'évanouiront dans les archives avec quelques autres. Affaires inexpliquées. Affaires inachevées. Pas de parents ou d'amis pour persister. L'oubli total au milieu de l'indifférence. Peut-être eut-il (utile ?) fallu insister ? S'y prendre autrement ? Les derniers tourbillons du vent finirent d'emporter les lambeaux de l'affiche. Tamuril arrivait au ChEd, sa destination. Une fois à l'intérieur le calme revint et avec lui la quiétude du quotidien.

Le Monstre
Sa plaie avait guéri. Sa folie était partie avec la douleur. Il était resté plusieurs jours entre délire et coma. Il finit de se lever et s'occupa à nettoyer sa couche des traces de sang et de vomis qui empuantissaient l'air. C'est cet air vicié qui l'avait éveillé dans un étouffement. Que faisait-il ici ? Et quel était cet ici ?

Il fouilla la cabane mais ne trouva que des robes et des jupons. La masure était pauvre et ne fournissait aucun confort. Des pots et des ustensiles de cuisine de piètre qualité trônaient au milieu d'un fatras d'herbes sèches. Une pièce, seulement encombrée d'un lit, d'une table et d'un foyer composait la totalité de la bicoque. Il sortit et fut accueilli par la douceur printanière. Un bruissement liquide lui rappela qu'il avait soif. Ses lèvres craquelées furent râpées par sa langue et il se dirigea vers la source du bruit. Au pied d'une ravine le choc de l'eau et des cailloux donnait le rythme à la mélodie printanière des amours renaissants.

Il suivit le ruisselet qui se noyait à quelque distance dans un petit cours d'eau. Un lit de rocher terminé par une petite plage de sable fin créait une obstacle à la linéarité de la modeste rivière. Il se déshabilla et se lava. Il en fit de même des lambeaux de vêtements qui le couvraient. Un short ou un pantalon raccourci et des restes de chemise. Rien d'autre. Il s'allongea près de ceux-ci après les avoir étendu sur le confortable et tiède lit de sable. Il ferma les yeux et tenta de chasser les horribles images qui flashaient sous ses paupières pour se concentrer sur le présent. La tête reposant calmement sur ses paumes et le visage réchauffé par le soleil de fin de matinée il entreprit de faire le point.

Localisation ? Une vallée marécageuse sillonnée d'un cours d'eau. La vision de déferlantes et de rochers raviva une brûlure dans son cerveau et l'odeur iodée de la bise lui firent déduire que la mer était proche. D'autres images de marais salant se mêlaient aux horreurs qu'il essayait d'oublier. Il se leva et regarda autour de lui. Les senteurs marines venaient de ce qu'il semblait être le sud. Difficile d'être précis. Le soleil était haut. A l'opposé, la cime des arbres était chapeautée d'une longue chaine montagneuse encore enneigée. Il pouvait supposé être au printemps. Ce qui répondait au deuxième point. La date. Mais en quelle année ? Il verrait plus tard. L'inventaire ? Rapide et succinct. Les chiffons, secs maintenant. En se rhabillant il se scruta et se palpa. Plusieurs cicatrices marquaient son corps, dont une longue et fraîche à la jambe. Mais tout fonctionnait. Si ce n'est qu'il était maigre et que la douleur à sa tête continuait à le relancer parfois.

Cette constatation ramena à la vie son estomac qui manifesta son mécontentement par des bruits et des torsions. Une main sur le ventre il s'accroupit en bord de berge et se servit de l'autre comme contenant. L'eau ainsi puisée, il but longuement pour calmer les ardeurs de son organe interne. Il se redressa soudain. Sa décision était prise. Il retourna à la cabane voir ce qui pourrait lui être utile et disparut dans les frondaisons.

Le Chef
Grumpf !? borborygma-t-il. Puis il s'enfuit avant que la boulangère ne le voit.

Égasse
La Fouine avait écouté son ami. Les nouvelles étaient brèves car la vie dans les environs était uniquement rythmée par les saisons. Rien ne perturbait ce long ruban soyeux s'écoulant vers des avenirs dolents. Lorsqu'Égasse avait reçu l'information sur la deuxième disparition elle ne put s'empêcher de faire le rapprochement avec les cris entendus cette fameuse nuit de débarquement en ces contrées. Depuis elle vivait dans l'angoisse. D'un œil surpris et émerveillé elle regardait l'insouciant Dreolìn s'empiffrer d'insectes. Heureusement ses souvenirs avaient la durée de vie de ses repas. C'était une de ses facultés. Oublier les ennuis et ne penser qu'au repas présent. Les humains avaient abandonné les recherches et le calme et la torpeur s'étaient abattus sur la contrée.

Un vent glacial figeait la campagne depuis quelques jours. Les cultures, pourtant prometteuses, voyaient leur futur s'assombrir. Égasse frissonna malgré sa fourrure. Elle braqua son museau humide en direction de la tramontane. Cela n'allait certainement pas durer. Le printemps touchait à sa fin et l'été triomphera. Il finit toujours par triompher. Quelle allégorie ! pensa Égasse. Elle esquissa un sourire puis éternua. De fines larmes tentaient de se retenir au souffle montagnard pour fuir avec lui vers des endroits plus hospitaliers. Quelle idée ? s'avisa-t-elle.

Dreolìn
Le Roitelet participait allègrement à la liesse commune en cliquetant à tout va. C'est la forme de son chant, "haut-perché, fin et pénétrant, et finissant sur quelques fioritures". Il virevoltait au gré des proies traversant le champ de vision de ses yeux et les champs qu'ils traversaient. La campagne était accueillante pour lui et son amie en ce début de printemps. Il commençait d'oublier ses peurs, et ses cauchemars avaient disparus. Ses petites habitudes avaient repris le dessus. Il aimait à se faufiler dans les fourrées des hameaux à la tombée du jour. Il se cachait car il aimait écouter les conversations. Non pas comme un espion mais comme un vilain petit curieux qu'il était. Il se serait bien rapproché pour mieux entendre. Mais à chaque fois, son apparition faisait naître un calme bref précédant une tempête de cris et de gesticulations propre à l'espèce humaine. La fuite était le seul recours. Du coup il ne connaissait pas la suite des commérages. Il rentrait après narrer à Égasse les derniers potins du jour.

Dreolìn eut quelque mal à revenir à leur repaire ce soir là. C'est que cela soufflait fort. Et froid. Tout oiseau des vallées montagnardes qu'il était, il n'en faisait pas moins frisquet pour lui. Le hameau était encore plus désert qu'à son habitude. Il ne croisa que deux personnes errants dans les ruelles. Il reconnut l'une d'elle et œuvra à se rapprocher pour glaner quelques brides du conciliabule. Faisant un effort sur-oviparien il réussit à réunir les morceaux de phrases captées et en imaginer le reste. Ce qu'il rapporta à Égasse finit de les décider. Ils iraient peut-être visiter les contreforts au nord cet été puis reviendrait par ici. Si l'atmosphère est toujours aussi calme ils éliraient leur quartiers d'hiver dans un coin de ce bosquet.
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