Le mariage de l'alcade

[faresc]

-Par hasard ? cria Dame Faresc, lorsque Garion cessa de parler.

Tout le monde se tourna vers elle, le silence se fit. Elle regarda tour à tour Silex avec ses chaînes et pensa qu'il était très bien ainsi. Puis elle regarda Lundi.... elle lui sourit.

- Par hasard ? répéta-t-elle, non rien à dire! et elle retourna près de Laufa qui lui fit un clin d'oeil.

[Mescaline]

Mescaline avait fini d'attacher avec peine le futur marié. Il ne put s'empêcher d'esquisser un petit sourire à la vue des chaînes. Si Silex, qui paraît si soigneux de son physique, savait qu'elles avaient servies à enchaîner un traître à moitié mort à un arbre... C'était plutôt cocasse.

Le nain avait besoin d'un peu de repos après ce long voyage. Le Grand Juge parlait, il en profita alors pour s'éclipser. Il marcha en direction de la corniche en quête d'un peu d'eau fraîche et s'assit puis retira discrètement ses chausses, six mouches en sortirent. Il regarda autour de lui si personne n'était témoin de la scène et trempa ses pieds crasseux dans l'eau pure.

*Ah ça fait du bien*

Mais il fut surpris de voir que l'eau devenait anormalement marron soudainement...

[Cinabr'ia]

Cinabr'ia avait réussi à se glisser pas trop loin de l'endroit où se tenaient les deux futurs époux et le Juge Garion. Elle savait que sa mère ne serait pas contente si elle apprenait qu'elle se tenait là, mais la jeune fille avait la rancœur tenace. Son père avait disparu, Barnabas avait usurpé son identité bien qu'il s'en défende, et s'était vanté à maintes reprises être à l'origine de la mort de Qwertz Bluehair'd. Elle ne pouvait pas rester là, sans rien faire, aussi lorsque Garion demanda si quelqu'un avait quelque chose à dire, s'avança-t-elle.

- Oui! Moi, j'ai quelque chose à dire! lança-t-elle haut et clair.

Un silence pesant se fit dans l'assistance, bientôt suivi de chuchotements les invités se demandant sans doute qui était cette jeune impudente qui osait intervenir pendant une cérémonie sacrée.

[Altariel]

La magicienne regardait avec grand intérêt la cérémonie. Elle sourit en voyant le futur marié enchaîné. Si un tel cérémonial était proposé dans son pays, elle n'était pas certaine que cela serait accepté facilement. Toutefois voir cette homme enchaîné devait en satisfaire plus d'un ou plus d'une.

Lorsqu'elle vit Dame Faresc se lever. Elle pensa très fort "Faresc non, ton déguisement va ....." Il était trop tard Faresc avait repris son apparence réelle. Quoiqu'il en soit elle ne s'en apercevrait même pas. Elle fut réconfortée lorsqu'elle vit que Faresc était revenue très vite à la raison.

Soudain, elle vit s'avançait une jeune fille et son don d’empathie lui fit aussitôt ressentir la colère, la rancœur et la tristesse de la jeune fille. Il y avait aussi beaucoup de détermination chez elle. Vu le comportement de la foule, il semblait que la présence de la jeune fille était inattendue. "Comme cet enfant souffrait !" pensa-t-elle.

[Silex Barnabas]

Lorsqu'il entendit la voix de Cinabr'ia, Silex eut un sursaut. Certainement, cette impudente allait-elle cracher quelque honteuse parole à son égard!

Je ne peux pas te toucher, Cinabr'ia Bluehair'd, et ce n'est pas mon but! cria-t-il d'une fois forte. Je veux juste que tu comprennes que ton père est mort, que je ne suis pas responsable de sa disparition puisqu'il s'est empoisonné en avalant une potion anti-coup de froid périmée et que je ne dois l'appellation de Qwertz qu'à une erreur d'état civil! La haine que toi et ta mère me portez est dérisoire et, même si je suis venu récupérer, dans mes premières années de ma présence sur les terres de Kiponie, le corps de l'écrivain, c'est parce que j'étais hanté par des esprits mauvais! Aujourd'hui, je suis ici, enchaîné selon la tradition, pour épouser celle que j'aime et qui a su, contrairement à toi, voir la vérité dans mes yeux! Si tu m'avais aimé comme tu aimais ton père, j'aurais pu le remplacer, même imparfaitement, dans ton coeur! Mais le fiel et la bile que tu veux me cracher à la gueule ne le feront pas revenir. J'ai perdu le coffre où je l'avais déposé, je me suis fait dépossédé des ateliers reçus en héritage malgré moi, tout ce que je possède aujourd'hui vient de mon travail et je ne lui dois rien. Que l'Instance Suprême ait son âme!

Silex se tut un instant pour reprendre son souffle. La foule se taisait elle aussi, surprise par cette tirade. Il y eut toutefois des murmures dans l'assemblée.

Parle donc, si tu l'oses, Cinabr'ia Bluehair'd! Parle! J'ai le coeur libre et léger: tes paroles tomberont à plat comme un oiseau qui meurt en plien ciel! Tu ne risques qu'une seule chose: te ridiculiser à jamais et affubler le nom de Bluehair'd, ton nom, d'un signe de haine!

[Déesse Druidique]

Il cause bien, le gars Silex, mais il ne sait pas s'habiller! Ces chaînes, ça lui va comme un bonnet de nuit à une licorne! Bon, on s'active?

[laufa]

Laufa fut surprise par l'intervention de la jeune Cinabria. Enfin, elle s'attendait à ce que quelqu'un prenne la parole offerte par Garion pour satisfaire la tradition mais elle n'avait pas imaginé que la jeune fille serait cette voix !

Elle fut tout aussi surprise de la fougue avec laquelle Sieur Silex avait répondu.C'était étrange, il avait ressenti le besoin de se justifier devant cette foule d'invités avant même que la jeune fille est pu dire ce qu'elle souhaitait ! Il sentait en elle un danger....

* Il a quand même souvent menacé les femmes Bluehaird' dans de nombreux écrits. *

Elle restait très intriguée par cette "déesse druidique" qui ne semblait être qu'une fourberie ! enfin, elle se posait beaucoup de questions sur la légitimité de cette déesse ....

* Quelle déesse peut être si laconique et si peu enclin à de belles phrases ? Et pourquoi vouloir écourter une si belle cérémonie dont les époux se souviendront toute leur vie comme l'un des meilleurs souvenirs..... Etrange, gardons un œil ouvert !!! Je parierai pour un vilain bougre voulant jouer un mauvais tour aux amants !!!*

[Lundi]

Les frissons de Lundi se transformèrent en tremblement.
Elle ne comprenait plus rien.
Silex enchainé, criant contre Cinabria, qu'elle ne voyait nulle part.
Cette jeune femme qui lui était totalement inconnue qui s'avançait pour accuser son futur, de quoi, elle l'ignorait, mais elle détestait les tournures que prenaient cet événement.
Elle avait le sentiment d'être au bord d'une certaine folie.
Étant habituée au situation comique depuis qu'elle connaissait Silex, elle essaya de voir la dimension humoristique de la scène. Elle repeint donc le tableau : Devant elle, un homme bien plus beau extérieurement que le premier jour où elle l'avait croisé, mais plus tourmenté apparemment intérieurement, une jeune femme brune à qui elle ressemblerait peut être dans quelques années et une déesse complètement clownesque.
Peut être que tout ce qu'elle voyait n'était que son avenir, elle, invoquant les dieux, pour reprocher à Silex, d'être Silex?
Les frontières de la folie se rapprochaient...

[Cinabr'ia]

Le Fourbe l'avait reconnue... cela ne l'étonnait qu'à moitié. Elle savait que le sortilège qu'elle avait employé pour camoufler son apparence faiblirait dès qu'elle ouvrirait la bouche. Ses cheveux commençaient à reprendre leur couleur améthyste. Cette crapule avait de bons yeux. Cinabr'ia fulminait intérieurement, mais elle essaya de se contenir eût égard à la Demoiselle Lundi, que sa mère connaissait et appréciait. Cependant ce n'était pas chose facile pour la jeune Bluehair'd et on pouvait sentir la colère dans sa voix lorsqu'elle répondit à l'affront de l'usurpateur.

- Vous aimer?! Comment osez-vous ne serait-ce qu'imaginer que je puisse avoir un tel sentiment pour un fourbe tel que vous?! tonna-t-elle. Vous ne me faites pas peur Silex Barnabas! Qu'on vous détache et vous verrez que je peux encore vous botter le train, comme je l'ai déjà fait une fois! la jeune fille marqua une légère pause, tout le monde la regardait avec un air effaré. Je n'ai que faire de vos jérémiades! Je sais que vous vous êtes introduit dans notre manoir pour nous voler! Je veux ce qui me revient! La dépouille de mon père!

[Anandita]

Anandita observait la scène. Elle pouvait comprendre la colère de Cinabr'ia, mais le moment était particulièrement mal choisi.

Tout ceci était étrange, étrangement étrange...
Silex dans ses chaînes, ces altercations tonitruantes, cette incarnation de la Déesse qui était pour le moins... étonnante...

Lundi semblait fébrile, Anandita la vit trembler. Elle aurait tellement voulu s'approcher d'elle pour la réconforter ; elle ne le pouvait pas mais quoiqu'il en soit, elle savait bien qu'elle n'aurait pas pu la rassurer.

Anandita était inquiète. Mais pour l'instant, elle ne pouvait rien faire d'autre qu'attendre, attendre... et espérer.

[faresc]

Faresc observait Lundi. Elle la voyait trembler. Elle la chercher du regard. Que d'inquiétude dans ce regard ! Cela devait être le plus beau jour de sa vie et cela tournait au cauchemar. Sachant sa filleule très émotive Dame Faresc craignait qu'elle ne s'effondre sur place. Elle essaya de communiquer avec Altariel par la pensée, pour voir si les magiciens de pouvaient pas aider la jeune Cinabr'ia à retrouver l'âme de son père mais ne reçut aucune réponse.

[Cinabr'ia]

Cinabr'ia resta stupéfaite... une poignée de secondes. Le Juge Garion semblait ne pas faire cas de la gravité de la situation.

- Quoi? Le vol d'une dépouille n'est donc rien pour vous? s'écria-t-elle regardant tour à tour Garion et toute l'assemblée. Cet homme, lança-t-elle en pointant un doigt accusateur sur Silex Barnabas, s'est introduit sur nos terres, a violé le tombeau de mon père, a emporté sa dépouille... la jeune fille étouffa un sanglot... et maintenant... vous allez laisser son union être bénie par votre Déesse?! accusa-t-elle, tandis que des larmes coulaient à présent sur ses joues. Mais son regard exprimait toute sa colère et son incompréhension. Quelle est donc cette croyance, qui bénit les assassins?! Oui! Car même si vous n'avez pas pris la vie de mon père, articulait-elle avec haine en s'adressant au futur époux, vous l'avez tué une 2ème fois en profanant sa tombe! Vous vous dites repenti, alors prouvez-le! Rendez-nous notre défunt que nous puissions enfin faire notre deuil ma mère et moi!

Cinabr'ia essuya d'un revers rapide de la main les larmes qui traçaient des sillons sur son visage, furieuse aussi d'avoir laissé transparaître sa détresse. Elle était consciente qu'elle blessait certainement Lundi, mais qui pensait à sa pauvre mère qui après plus de 103 ans de bonheur n'avait même plus une dépouille à pleurer... et cet homme aurait droit au bonheur sans plus de procès?

[Altariel]

Altariel avait bien entendu l'appel de Faresc, mais elle ne pouvait y répondre. Elle avait été témoin de bien des exactions dans son monde, mais laisser vivre un dépouilleur de tombe cela dépassait l'entendement. Cette jeune Cinabr'ia à la colère si entière, était emplie de la douleur de sa mère. Altariel aurait aimé lui venir en aide, mais à quel titre ?

Une chose était maintenant plus clair ; elle comprenait pourquoi Faresc avait tant eu de mal à accepter ce mariage.

[Lundi]

Lundi pleurait à chaudes larmes. Elle venait de comprendre la douleur de Cinabria.
Elle aussi avait perdu son père. Elle savait que son cœur ne serait jamais plus comme avant, la douleur étant trop grande.

Lorsque Lundi avait rencontré Silex, elle même était perdue. Cet homme, pas très beau, on peut le dire sans l'offusquer, avait su lui tendre la main et lui proposer une autre vie.
Ses yeux plein de malices ne l'avaient pas longtemps laissé de marbre.
En le suivant dans ses péripéties nocturnes, elle avait pu être témoin de la noirceur de Silex.
Lundi, avait une grande Dame de Kiponie pour mère de substitution, et Dame Faresc lui avait appris la tolérance et surtout d'éviter tout jugement car on ne connait jamais un être humain entièrement.
C'est en rencontrant Silex qu'elle avait pu mettre ces théories en pratique.
Quand celui ci avait commis des larcins, calmement et avec humour, elle avait su mettre peu à peu des codes, puis des règles au sein de leur groupe :" l'épée ensanglantée".
Sans qu'il s'en rende vraiment compte, il avait repris goût à la vie, et sa noirceur le quittait en même tant que sa laideur. Il devenait plus calme, faisait attention aux autres.
Bien sur elle savait pour la dépouille. Elle savait même où celle-ci se trouvait et avait parfois dormi dans la même pièce. Affreux! penseraient certains. Pas tant que ça, elle avait émis des règles là aussi, l'air de rien, et le coffre dans lequel le grand Qwertz était conservé, était traité avec tout le respect nécessaire, voir au delà.

Lundi était heureuse de voir cet homme Silex si plein de vie aujourd'hui. Quand il lui avait demandé sa main, elle a d'abord refusé, craignant de blesser Bibitricotin. A force de jeux et de très bons moments partagés elle avait répondu par l'affirmative.
Elle avait gardé à l'esprit ce qui pouvait blesser Bibitricotin, mais elle n'avait jamais pensé à Cinabria.

Peut être parce que l'évidence était trop grande.
Ces deux femmes avaient un point commun, la recherche d'un père. L'une voulant sa dépouille pour pouvoir le pleurer, l'autre cherchant dans le regard des hommes, le regard de celui qu'elle n'avait jamais connu.

Elle ne pouvait rester là, planter sur le rocher, comme si tout était parfaitement normal.

[Lundi]

Lundi descendit vers l'assemblée. Elle s'approcha de Cinabria et lui dit à haute et claire voix :
Je te souhaite de trouver ce qui pourra apaiser ta colère et ta peine. Je m'engage à t'y aider.
Elle se tourna vers le grand juge
Merci pour tout ce que vous avez fait pour nous, j'espère que vous voudrez bien célébrer cette union, quand la paix des cœurs l'entourera.
Elle s'approcha de Silex, profita de son enchainement pour placer ses mains derrière son cou, et lui parler doucement :
Mon amour, je sais que tu as la capacité de réduire la peine de ces personnes. Je sais que tu seras faire en sorte que personne ne se sente trahie, dépossédée. Tu sauras trouver le moyen de faire disparaitre leur douleur. Peu importe le temps, je t'attendrais. Quand le cœur de la mère et de sa fille seront en paix, alors nous pourrons nous unir sans haine, uniquement entourés de bons sentiments. A ce moment là, tu sauras me trouver, comme je t'ai trouvé la première fois. Tu sauras me faire renaitre une seconde fois, et je saurais t'accompagner pour l'éternité.
Les larmes coulaient le long des joues de Lundi, elle embrassa intensément l'homme qui faisait battre son cœur. Elle lui glissa un mot rien que pour lui dans le creux de son oreille qu'elle connaissait si bien.
Elle prononça une formule en faisant un clin d’œil à Dame Faresc. Un brouillard gris se leva sous ses pieds et l'entoura.
Lundi retrouva sa forme première, en un instant, elle redevint féline.

Elle partit d'un pas rapide vers les bois.