[RP]Loin de la vie, loin de la mort. - Présentation d'Herdan
Publié : mer. 4 mai 2016 05:10
D'aucuns se souviendront sans doute de la torpeur.
Ce temps qui échappe aux lois naturelles, lorsque pas vivant, le rêveur échappe à la mort. Herdan, étendu, savourait là l'instant d'être hors du monde. Rien ici ne l'atteignait. Il n'est pas évident de décrire cet état à qui ne l'aurait pas vécu car les mots, les mots que l'on pense par nécessité, les mots que l'on dit par urgence, les mots, à cet endroit ne sont rien. Le jeune homme, paisible, sourirait s'il accordait à la vanité de cet effort la moindre importance. Mais non, car dans la torpeur, seul le silence n'est pas vain, ce silence qui berce et que l'on entend à l'intérieur de soi. Dans la torpeur, soi, c'est le monde, et en ce lieu là, seulement en ce lieu là, le néant est le bienvenu.
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"Monsieur Biscot, sonnez le branle-bas, Monsieur Tock, carguez la grand-voile, Monsieur Parlier, faîtes sortir le prélart !"
A bord de "l'Hélène", une soudaine activité s'emparait de la traversée. Le petit bateau de pêche prenait des allures de navire de guerre. La vingtaine de matelot embarqués s'affairaient en tout sens, passant de bord à bord en hurlant. Derrière eux pourtant, la mer était plate et le soleil achevait de terminer son cycle quotidien en toute quiétude.
"Mais bon sang d'où ça sort ?"
Au devant en effet, de lourd nuages s'étalaient en rageant sur l'océan. A la vitesse terrifiante de la seule volonté des cieux, la tourmente accourait sur "l'Hélène" et avec elle sont lot de déluge.
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Progressivement, Herdan délaissa son néant salutaire pour se laisser envahir des premières sensations qui le travaillait. Au loin, le bruit des vagues qui effleurent le sable. Sans pouvoir le distinguer nettement, il le laissa venir à lui jusqu'à pouvoir imaginer l'eau tiède lui lécher les pieds. Le cri d'une mouette ou d'un goéland, quelque part, lui fit presque voir le ciel comme on le verrait d'en haut des nuages. Dans cet envol et avec cette vitesse, le vent chaud se rafraîchissait au contact de sa peau. Ce n'était pas désagréable, c'était l'été.
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Les éclairs déchiraient le ciel avec le bruit de l'enfer. L'on pouvait voir ces déchirures du ciel tomber dans les murs d'eau. Le navire, pour ne pas se laisser chavirer, devait faire face à des architectures océaniques qui le surpassait de dix fois. Les hommes, pour ne pas céder à la panique, se concentraient comme jamais auparavant sur leurs tâches à accomplir. Certain néanmoins, pas forcément les plus jeunes, ni les plus frêles, récitaient des prières en pleurant, avachis, le corps tout entier serré sur ce qui leur servait d'amarre. Le capitaine, courant sur le pont, hurlait les yeux exorbités:
"Levez vous ! Levez vous et regardez la en face ! Regardez en face l'ire de dieu !"
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Après que le vent l'avait conduit dans les airs, l'inconscient sentait maintenant venir à lui la chaleur du soleil de midi. Il sentait sur son dos la couverture tirée d'Hélios dans laquelle il aurait aimé se blottir pour faire cesser le temps dans une éternité de l'instant. Cette chaleur ne le quitta pas et il s'en satisfit jusqu'à penser à l'eau de l'océan qu'il entendait plus tôt. Cette idée lui donna soif. Il tenta, pendant quelques minutes qu'il ne pouvait compter, d'éclipser ce désir impromptu mais c'était sans succès. Plus il cherchait à prolonger sa communion avec le soleil et plus il sentait sa bouche s'assécher. C'était comme si quelques cristaux de sels, entre ses dents, voulaient jouer à l'ennuyer. C'était sa torpeur qui bientôt s'achèverait.
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Sur "l'Hélène", des images d'effrois se gravaient à coups d'éclair dans les cerveaux des matelots. La terreur des marins les ramena vers les instincts les plus primaires de la condition humaine. S'il était une grandeur en l'Homme, elle se trouvait probablement ici, lorsque les lois qu'ils passaient leur temps à apprendre et enseigner se perdaient dans leur vanités. Ces hommes n'étaient bien que des hommes, en témoignaient les hurlements, les pleurs, les colères résolues, les vomissures qui nappaient le pont. Certains marins lâchaient prises, disparaissaient dans la voracité du tourment. Pas un alors n'hurlait comme il était convenu de le faire, qu'un homme était à la mer. Pas un non plus ne souffrait l'effor de regarder en arrière. Les mains ne se tenaient qu'au bois et l'on ne se risquait pas à les tendres à d'autres, il n'y avait ici aucune lumière. Le capitaine avait disparu depuis trop longtemps déjà, le navire se déportait de son axe.
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Le sel dans sa bouche, vînt bientôt à brûler Herdan comme le soleil sur son dos. Cette gène inopportune peu à peu se transformait en souffrance. Il se sentait cuir comme étouffé dans un four. Face à ce nouveau démon, il chercha à se mouvoir, reculer pour retrouver son confort précédent. Mais non, son corps refusa de lui répondre. Il persévéra pourtant mais plus il mettait d'effort au geste et plus l'action lui semblait insupportable. Il se surpris à sentir bientôt des douleurs qui n'était pas là avant. Son corps endolori le voulait retenu prisonnier. Sa jambe se décida à le lancer. Il tenta d'ouvrir les yeux mais seulement un des deux, et encore, au prix d'une formidable douleur, voulut bien lui obéir.
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Tout alla très vite. La vague, cette fois, fracassa le bois, le faisant exploser en milles copeaux, milles météores acérés comme le fer qui s'élancèrent vers le reste des survivants. Avec la puissance de l'effondrement, tous sentirent le navire se soulever de plusieurs dizaines de mètres. Pendant un bref instant, il y eut comme une accalmie soudaine. Mais l'instant d'après le navire retombait en se retournant. Les plus téméraires, voyant ainsi se confondre ciel et mer, lâchèrent ce qui les avait gardé en vie jusque là, les autres furent écrasés dans le choc qui suivit. C'était la fin de "l'Hélène" et probablement la fin de la vie.
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Tout autour de lui, Herdan voyait le sable. Il comprit rapidement que ce qu'il avait pris pour du sel n'en était pas dans sa bouche. Du bois, des restes du naufrage sans doute, étaient amené par la mer qui lui léchait effectivement les pieds. Il tenta de porter la main à son visage mais à peine l'eut il touché qu'une douleur abrupte fit résonner tout son crâne. Pendant quelques minutes, il chercha à se soulever sans succès. Les mots, la nécessité, l'urgence des mots ! Il fallait crier !
Ce temps qui échappe aux lois naturelles, lorsque pas vivant, le rêveur échappe à la mort. Herdan, étendu, savourait là l'instant d'être hors du monde. Rien ici ne l'atteignait. Il n'est pas évident de décrire cet état à qui ne l'aurait pas vécu car les mots, les mots que l'on pense par nécessité, les mots que l'on dit par urgence, les mots, à cet endroit ne sont rien. Le jeune homme, paisible, sourirait s'il accordait à la vanité de cet effort la moindre importance. Mais non, car dans la torpeur, seul le silence n'est pas vain, ce silence qui berce et que l'on entend à l'intérieur de soi. Dans la torpeur, soi, c'est le monde, et en ce lieu là, seulement en ce lieu là, le néant est le bienvenu.
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"Monsieur Biscot, sonnez le branle-bas, Monsieur Tock, carguez la grand-voile, Monsieur Parlier, faîtes sortir le prélart !"
A bord de "l'Hélène", une soudaine activité s'emparait de la traversée. Le petit bateau de pêche prenait des allures de navire de guerre. La vingtaine de matelot embarqués s'affairaient en tout sens, passant de bord à bord en hurlant. Derrière eux pourtant, la mer était plate et le soleil achevait de terminer son cycle quotidien en toute quiétude.
"Mais bon sang d'où ça sort ?"
Au devant en effet, de lourd nuages s'étalaient en rageant sur l'océan. A la vitesse terrifiante de la seule volonté des cieux, la tourmente accourait sur "l'Hélène" et avec elle sont lot de déluge.
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Progressivement, Herdan délaissa son néant salutaire pour se laisser envahir des premières sensations qui le travaillait. Au loin, le bruit des vagues qui effleurent le sable. Sans pouvoir le distinguer nettement, il le laissa venir à lui jusqu'à pouvoir imaginer l'eau tiède lui lécher les pieds. Le cri d'une mouette ou d'un goéland, quelque part, lui fit presque voir le ciel comme on le verrait d'en haut des nuages. Dans cet envol et avec cette vitesse, le vent chaud se rafraîchissait au contact de sa peau. Ce n'était pas désagréable, c'était l'été.
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Les éclairs déchiraient le ciel avec le bruit de l'enfer. L'on pouvait voir ces déchirures du ciel tomber dans les murs d'eau. Le navire, pour ne pas se laisser chavirer, devait faire face à des architectures océaniques qui le surpassait de dix fois. Les hommes, pour ne pas céder à la panique, se concentraient comme jamais auparavant sur leurs tâches à accomplir. Certain néanmoins, pas forcément les plus jeunes, ni les plus frêles, récitaient des prières en pleurant, avachis, le corps tout entier serré sur ce qui leur servait d'amarre. Le capitaine, courant sur le pont, hurlait les yeux exorbités:
"Levez vous ! Levez vous et regardez la en face ! Regardez en face l'ire de dieu !"
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Après que le vent l'avait conduit dans les airs, l'inconscient sentait maintenant venir à lui la chaleur du soleil de midi. Il sentait sur son dos la couverture tirée d'Hélios dans laquelle il aurait aimé se blottir pour faire cesser le temps dans une éternité de l'instant. Cette chaleur ne le quitta pas et il s'en satisfit jusqu'à penser à l'eau de l'océan qu'il entendait plus tôt. Cette idée lui donna soif. Il tenta, pendant quelques minutes qu'il ne pouvait compter, d'éclipser ce désir impromptu mais c'était sans succès. Plus il cherchait à prolonger sa communion avec le soleil et plus il sentait sa bouche s'assécher. C'était comme si quelques cristaux de sels, entre ses dents, voulaient jouer à l'ennuyer. C'était sa torpeur qui bientôt s'achèverait.
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Sur "l'Hélène", des images d'effrois se gravaient à coups d'éclair dans les cerveaux des matelots. La terreur des marins les ramena vers les instincts les plus primaires de la condition humaine. S'il était une grandeur en l'Homme, elle se trouvait probablement ici, lorsque les lois qu'ils passaient leur temps à apprendre et enseigner se perdaient dans leur vanités. Ces hommes n'étaient bien que des hommes, en témoignaient les hurlements, les pleurs, les colères résolues, les vomissures qui nappaient le pont. Certains marins lâchaient prises, disparaissaient dans la voracité du tourment. Pas un alors n'hurlait comme il était convenu de le faire, qu'un homme était à la mer. Pas un non plus ne souffrait l'effor de regarder en arrière. Les mains ne se tenaient qu'au bois et l'on ne se risquait pas à les tendres à d'autres, il n'y avait ici aucune lumière. Le capitaine avait disparu depuis trop longtemps déjà, le navire se déportait de son axe.
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Le sel dans sa bouche, vînt bientôt à brûler Herdan comme le soleil sur son dos. Cette gène inopportune peu à peu se transformait en souffrance. Il se sentait cuir comme étouffé dans un four. Face à ce nouveau démon, il chercha à se mouvoir, reculer pour retrouver son confort précédent. Mais non, son corps refusa de lui répondre. Il persévéra pourtant mais plus il mettait d'effort au geste et plus l'action lui semblait insupportable. Il se surpris à sentir bientôt des douleurs qui n'était pas là avant. Son corps endolori le voulait retenu prisonnier. Sa jambe se décida à le lancer. Il tenta d'ouvrir les yeux mais seulement un des deux, et encore, au prix d'une formidable douleur, voulut bien lui obéir.
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Tout alla très vite. La vague, cette fois, fracassa le bois, le faisant exploser en milles copeaux, milles météores acérés comme le fer qui s'élancèrent vers le reste des survivants. Avec la puissance de l'effondrement, tous sentirent le navire se soulever de plusieurs dizaines de mètres. Pendant un bref instant, il y eut comme une accalmie soudaine. Mais l'instant d'après le navire retombait en se retournant. Les plus téméraires, voyant ainsi se confondre ciel et mer, lâchèrent ce qui les avait gardé en vie jusque là, les autres furent écrasés dans le choc qui suivit. C'était la fin de "l'Hélène" et probablement la fin de la vie.
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Tout autour de lui, Herdan voyait le sable. Il comprit rapidement que ce qu'il avait pris pour du sel n'en était pas dans sa bouche. Du bois, des restes du naufrage sans doute, étaient amené par la mer qui lui léchait effectivement les pieds. Il tenta de porter la main à son visage mais à peine l'eut il touché qu'une douleur abrupte fit résonner tout son crâne. Pendant quelques minutes, il chercha à se soulever sans succès. Les mots, la nécessité, l'urgence des mots ! Il fallait crier !